LE JARDIN D'ETE
Le soleil répandait ses nappes blondes
Sur les allées du jardin solennel
Où la fontaine son blanc marbre inonde
Des ruisselets bavards d'un arc-en-ciel.
Un rosier dans sa morgue suffisante
Y triomphait de son rose poudré
En son escorte de dagues piquantes,
Saoulant l'azur de vagues parfumées.
Et plus loin sur l'herbe, au cordeau taillée,
Danse bleue d'un antique pas de deux,
Les paons déployaient leurs roues constellées
Des prunelles diaprées de tous leurs yeux.
D'aventure y poussait un pissenlit,
De sa corolle bourrue riant jaune,
Sa tige courbant, penaud et transi
Sous le regard de pierre du vieux faune.
Au bord du bassin et prenant des poses,
la nymphe jetait un Å“il sur la haie,
Soumise esclave, où les visages roses
De deux liserons coquins souriaient.
Les oeillets tutoyaient en arabesque
Des raides tulipes le bataillon
Contournant la rotonde de leur fresque
En une stricte folie ton sur ton
Iconoclastes, bourdons et abeilles
Butinaient le nectar qu'on leur concède,
Tolérés pour ce qu'ils donnent le miel
Et l'hydromel que tout éden possède.
Tout ici n'est que noble distinction
Bannissant de la roture l'esprit.
La sauvage nature en consomption
S'y voit proscrire toute fantaisie !
Mais, roide blason des maîtres féconds
Dont le génie a enfanté son cadre,
L'antique parc par sa grâce répond
Au poète dont le cœur l'idolâtre.
N.G.