Des poètes et de la poésie
Elle est une quête continue de l'efficace
Et un grand convoi toujours en partance
Tous les signes de la vie laissent des traces
Seule la poésie leur retrouve l'essence
Cela classe le beau, cela ne le déclasse
Je n'ai vu le beau vouer au beau de l'offense
Ou elle est l'expression d'un grand manque
Et la plume veut bellement combler un vide
La dépossession doit avoir sa propre banque
L'orfèvre creuse et son savoir-faire le guide
Et combler le vide n'est une tache quelconque
On éveille à la vie la mort et la femme frigide
Ou elle est une quête du seul bon beau vierge
L'immaculé qui n'a point perdu son origine
En son propre fief, il voltige et vite il s'héberge
Dans le réel quotidien, l'idée n'a de frangine
Et le verbe se situe loin de l'ici et ses étalages
Au fond, reste le quotidien et haut le beau émerge
Ou elle est l'écho d'une fragile voix affligée
Le cygne excelle et chante sa mort imminente
Ce n'est un choix, on est contraint, obligé
Ou c'est l'injustice, ou c'est une vie indécente
Et la voici la chère plume avocate bien érigée
Pour un long plaidoyer qui plait et qui enchante
Dans sa stricte solitude, le poète peut se complaire
Et il explore tous les infimes endroits de son âme
Il pleure ses maux et ses joies ne font que lui plaire
Le vers n'est autre qu'un écho de son soi-même
Et toujours, et dans ses déceptions, il est fier
D'être le seul beau jardin de ses propres thèmes
J'aime, parfois, vivre parmi les miens en une voix
Et tant de fois, je ne me sens exister qu'en un cri
Je dénude trop l'injustice ennemie quand je la vois
Le muet étouffe un triste air, moi parolier, je l'écris
Je suis le chef de fil, l'éclaireur de tout ce convoi
De ses nombreux heurts, je suis l'affligé et l'épris
Et j'adore parfois encore caresser ce qui me résiste
Il est richement insondable et très loin il se situe
Je ne peux toujours hanter avec vous la même piste
Le lointain horizon me hèle et mon doux plaisir me tue
Et l'ignorant ignoré m'accuse de très grand égoïste
Il voit, en moi, vice ce qui n'est qu'une simple vertu
Avec le monde et mon propre monde, je compose
Je suis l'oiseau qui te chante et qui aime planer
Parfois tu as des fleurs très sèches et je les arrose
D'autres ne m'intéressent que mes seules fleurs fanées
Je creuse chez toi long et plus long chez moi je creuse
Sous ton unique soleil, je ne veux toujours me tanner