HIVER


Des longs sillons peignés au dos brun des guérets
Sourd ce frisson peureux dans un râle discret,
Cet hymne psalmodié de l'office funèbre
Que l'hiver assassin va vouer aux ténèbres.

La plaine verglacée sous le vent qui halète,
Des noyers dénudés brandit les blancs squelettes ;
A l'épaule du mont, l'abbatiale sans âge
Agrippe au roc les pans de son gris sarcophage.

Le bénitier givré n'y recèle plus rien,
Plus même les têtards qu'y laissent les vauriens.
Et dans la nef glaciale, une seule âme en peine
Au prie-Dieu s'agenouille emmitouflée de laine.

Du village engourdi fume la cheminée,
Avare exhalaison d'une vie renfrognée
Rejoignant dans le ciel de son fût vaporeux
Les nuées délavées d'un voile floconneux.

Au dehors, loin de l'âtre, un chien tourne à sa chaîne.
La brume qui se lève au fruste instinct déchaîne
La meute ancestrale dont l'odeur rode encore :
Depuis l'aube des temps le loup hurle à la mort.

Native pureté des petits matins froids,
Vie recroquevillée dans les craquants sous-bois
Éclaboussés de lune au creux des nuits sauvages
Où les bêtes terrées ne tracent nuls passages,

Sur la terre où s'est tu dans la gorge mourante
Le chant du passereau pétrifié dans l'attente,
Vient la munificence au pas furtif et lent
Éclosant un matin, du renaissant printemps.

NG