VOYAGES


Je suis le frêle oiseau, colombe endolorie,
Recluse en son cachot tout empourpré de sang
Qui seule et reniée ouvre l'aile meurtrie
A l'haleine haletante et sauvage du vent.

Là, très loin, apposée au plus haut de son ciel,
La lune mollement, tel un blafard censeur
Mire l'incestueux et lancinant duel,
Ce lien qui fut tissé entre deux âmes sœurs.

Et s'échappe mon cœur, nul ne peut le contraindre !
Comme une fleur sanglante il a pris son essor.
Et d'un vol souverain va venir te rejoindre,
Jusqu'à l'ivresse humer le parfum de ton corps.

…

Laisse derrière toi la gangue des journées
Que couve ton lointain et glacial orient
Où vit le passereau dans le froid des gelées
Ouvrant au vent glacé son pauvre bec mourant,

Où la flamme et la chair si longtemps méprisées
Attendent sans espoir une résurrection,
Où s'étiole la vie et ses passions brisées.
Je te recueille en une ardente rédemption !

Vole Colombe, viens vers l'appel impérieux
Du radieux pays, du cœur qui y palpite,
Des suaves parfums du jasmin capiteux
Affolant de désirs la joie dont l'air crépite.

Viens, ne t'attarde plus, laissons vibrer nos corps.
A l'unisson j'irai chanter ta mélodie,
Et je t'emmènerai jusqu'aux lointains abords
Si souvent approchés de l'antique Arcadie.

N.G.

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