Deux et deux (*)

Deux et deux quatre
Quatre et quatre huit
Huit et huit font seize
Répétez ! dit le processeur.
L’horloge donne la cadence
Dans l’espace infinitésimal
Et dans un mouvement
D’une extrême précision
Des millions de pixels
Ouvrent alors une fenêtre.

Je rêve et je traverse
La vitre de l’écran cristal
Dans un monde numérisé
Qui réagit au bout de mon doigt.
Réseaux sociaux, visites virtuelles,
Univers improbables, rencontres virtuelles,
L’univers au creux de ma main
Et le feu au fond de mes yeux.

Quatre et quatre huit
Répétez ! dit le processeur.
Les frontières sont abolies
Les frontières des connaissances
Les frontières des loisirs
Les frontières des cultures et des hommes
Un paradis reconnecté.

Seize et seize…

Ils ne font rien seize et seize
Et surtout pas trente-deux.
Et le processeur a beau crier
Et l’horloge a beau battre la cadence
Les millions de pixels
L’un après l’autre, s’agitent, se bousculent,
Se mélangent, se confondent.
Mon doigt s’énerve, mes yeux se voilent,
Mon rêve se fige et puis s’éteint.

La fenêtre se ferme
Dans le creux de ma main
L’écran redevient du verre
La coque redevient plastique
Ma main redevient gauche
Et moi je redeviens homme.

(*) D’après le poème de Jacques Prévert : Page d’écriture