http://sabineaussenac.blog.lemonde.fr/2016/07/15/jaurais-voulu-te-parler-de-la-france-nice/[img]
[/img]
Bleue, la mer. De cet azur pérenne qui fait de cette côté un joyau.
Blanc, le sable, tant il miroite sous le soleil. Un appel fleurant bon les cigales, le pastis et l’été.
Rouges, les sourires. Ceux des belles Niçoises aux cheveux ondoyants, et ceux des enfants qui tiennent une glace à la fraise.
J’aurais voulu te parler de l’été. Nous l’avions rêvé, nous l’avions mérité. Après ces mois de grisaille et de cris, après ces terrasses sanglantes et cet hiver infini de la terreur. Nous en rêvions, des plages, de la légèreté et du mistral, nous avions le cœur tout empreint de lavandes et de vagues, comme en aube de vie.
J’aurais voulu te parler de mon voyage, qui commence demain, mais qui a encore l’envie de s’évader? Tout avion sent la bombe, chaque train est enfer, et même les promenades deviennent des mouroirs.
Bleu, le petit pull marin du garçonnet. Il tient la main de sa mère et rit aux éclats devant les étincelles du ciel.
Blanche, la main que tient cette main brune toute empreinte de métissages, secrète et fière à la fois, image de notre belle France aux cent visages.
Rouge, la bouche de cette vieille dame aux cheveux argent, qui se souvient avec émotion de son premier baiser au Négresco…
J’aurais voulu te parler de la France. De cette France debout, après tant de défaites. De nos querelles folles et de ces espoirs enfuis, de l’Euro non gagnée et des lois qui m’ennuient. De cette maman qui se suicide à cause de la CAF ou de mon fils bachelier, de ces milles possibles qui se heurtent au réel.
J’aurais aimé te parler de mes élèves tant aimés cette année, mais le fiel m’est en bouche comme un poison maudit. Tout soleil est amer quand on tue les enfants, et ce boucher tournoie sous mes yeux ébahis comme un astre déchu, comme un porc d’infamie.
Bleus, les ongles turquoise de ces filles aux seins fiers, prêtes à manger l’été comme on va vers la mer.
Blanche, la peau de ce bébé qui tête encore sa mère, au regard d’amadou posé en sa confiance.
Rouge, la cocarde rieuse de ce groupe de zadistes, égarés en défilé pour se boire une bière, se moquant de la France, mais en aimant les joies.
J’aurais voulu te parler de confiance, de fraternité, de projets, de villages et de paix. De ces Migrants accueillis en Auvergne, de ces milliers de festivals, de mon pays qui rayonne et qui brille, malgré tant de noirceurs.
Mais il est des serpents qui nous mangent le cœur, blottis en nos cités comme viles vermines, nos villes en sont flétries, nos campagnes en frissonnent, et hier soir un seul chien a sonné l’hallali. Nul ne peut dire encore la folie ou la haine, mais mille biches saignent, innocence éventrée.
Bleu, le ciel de notre France malgré les deuils immenses.
Blanc, la couleur de mon drapeau qui ne crie pas vengeance.
Rouge, mon cœur assassiné qui hurle tout en sang.
Un drapeau qui perdure, une nation debout, un seul peuple qui s’aime, qui n’est pas à genoux.
Une cocarde immense qui éclaire la ville, oh toi Nice meurtrie comme le fut Toulouse, et puis Paris aussi.
Il n’est pas né encore celui qui nous prendra notre belle espérance et nous fera plier, nous aimons l’insolence. Un seul être abject s’est fait bête en un soir, mais la France est une âme, un rocher dans la nuit, un feu brillant de vie, que nul ne peut éteindre.
Bleu, ce regard plein d’amour du survivant qui rit.
Blanc, le lait qui coule au sein de la mère apaisée.
Rouge, la jupe aux cent volants de l’enfant qui sourit.
Sabine Aussenac.
https://www.youtube.com/watch?v=GzhLcCgwpwAhttp://sabineaussenac.blog.lemonde.fr/2015/01/09/je-suis-pays-de-france-et-je-me-tiens-debout/http://sabineaussenac.blog.lemonde.fr/2015/01/08/je-suis-charlie-ou-linvincible-ete/http://www.huffingtonpost.fr/sabine-aussenac/myriam_1_b_1371928.html
----------------
Mes sites web:
http://linktr.ee/sabine_aussenac
Lou, aux nuits rossignol...