Plume de platine Inscrit le: 13/5/2014 De: |
Tournée La poésie se vendait aux mètres au marché Saint Pierre Entre les ballots de cotons et les pacotilles dorées , Les clients avaient un air étrange devant les feuillets, Comment choisir dans cet indigeste annuaire.
Fallait il écouter les conseils du bonimenteur Armé de son ciseau à découper les vers, Il étirait les rouleaux depuis de hautes étagères Offrant au hasard des rimes aux lecteurs.
Les enfants se baissaient pour ramasser les miettes, Dans de jolis classeurs ils colleraient les mots, Découvrant les joies du cadavre exquis aussitôt Rentrés dans leurs chambres proprettes.
A l'abri des familles bruyantes quelques amateurs Se dirigeaient vers les combles éclairés Par de vieilles lampes à pétrole cherchant leurs bonheurs Dans des vieux cahiers remplis de rimes illuminées.
Parfois leurs mains tremblaient en lisant le nom de l'auteur , ON chuchotait les noms d'Aragon , de Prévert, Les plus fiévreux rêvaient à des incunables de Baudelaire, Pour une strophe on se lançait dans une guerre pleine d'honneur.
Les jeunes vendeurs tendaient aux belligérants De lourdes épées de duel , à eux de s' embrocher la bedaine avec un joyeux allant , Plutôt la mort que de se laisser voler.
Je ne fréquente guère ces boutiques lunatiques , La poésie aux mètres ce n'est pas si pratique, Je leur préfère les douces librairies de Saint Germain Leurs jeunes étudiantes et leurs douces mains.
Dans l'usure de l'Automne , elles m'offraient un recueil , M'offrant un doux printemps prés d'un tilleul , M'éblouissant de leurs lèvres vermeilles Me chuchotant de doctes conseils.
Au Luxembourg assis sur un banc entouré de corneilles, Le recueil à la main je prends gentiment le soleil , Quand l'envie me prend je sors mon carnet vert Jetant sur ses âges quelques dizaines de vers.
Je repense alors au marché Saint Pierre A ma jeunesse et aux cadavres exquis Que je m'appliquais chaque nuit A coller sur mes cahiers d'écolier.
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