Hantise...
Dans la dormeuse du couchant,
Je traîne mon drap de poussières;
Je suis l'assassin revenant              Â
A minuit au bleu des paupières.
Je suis le spectre des nuits brèves,
Je suis le froid tueur de  rêves,
Qui réveille, à cors et à cris,
Vos angoisses sous le tapis. Â Â Â Â Â Â Â Â
Dans ma pupille exorbitée,
Ni pleurs, ni vibrant orémus;
J'ai sur la lèvre,un doux rictus,        Â
Qui sied bien à un macchabée!
Au tranchant  de la guillotine
Fini le parfum  des remords!
Ne  passe plus  en ma narine
Que l'odeur fétide  des morts.
Ô  Père à l'auguste figure,
Ainsi donc fut  ta volonté...
Ma tête en ce bain de sciure
N'en a pas fini  de rouler!
De toi, pour jamais  écarté,
Le sort me jeta sur la route...
Nul ne devint  ma clef de voûte,
Ni ne m'enseigna le regret!
Vois-tu, j'ai bourlingué  longtemps,
Sur des sentes ensanglantées;
De mes victimes écorchées,Â
Me moquant comme  l'air du temps!
Et, riant fort des coups de trique,
J'empruntai le mauvais chemin...
Je suis mort en place publique
Ainsi se vengea le  destin !
Le tranchant de la guillotine
A fermé le rideau du jour.
Adieu la belle Colombine            Â
Toi qui fut mon  unique amour!
Quand sous la lune, mollement,Â
Le temps s'enroule, goutte à goutte,
Je cherche encor mortellement,Â
Ton ombre claire sur la route ...
Sous les arceaux  des cathédrales
Dans l'antre du temps éventré
Au son des cloches, des cymbales        Â
Je cherche encor... moi le damné!
Je cherche encor, et je médite              Â
Sur cette vie en porte-à -faux;
Mais, dessus mon cœur de granite
Tout s'émousse même les maux !
Ni croix, prêche ou tendre pensée
Rien ne me garda de l’écueil .              Â
Ce soir je quitte mon cercueil...
Craignez ma denture acérée!
Je vais, tel un chien  enragé
Soufflant mon haleine putride. Â Â Â Â Â Â Â Â
À votre seuil, je viens hurler...
Tremblez devant mon teint livide!
De vos belles nuits étoilées,
Tout à  l'heure sonnant le glas
Glacis d'os et de chairs souillées Â
Je glisserai entre vos bras
Aux douze coups  de la pendule
Me voici, j'émerge du gouffre
De cet abîme majuscule                Â
De ce puisard de sang,de souffre
Dans la dormeuse du couchant,
Je traîne mon drap  de poussières                 Â
Je suis l'assassin revenant
À minuit  au bleu des paupières...