Les pauvres s’en vont aux cieux
L’hiver s’est déjà , chez nous, bien installé
Son manteau tout blanc nous fait peur
De toutes les portes closes il a les clés
Il menace, goguenard, les faibles cœurs
Qui manquent d’amour et qui n’ont de blé
L’hiver ignore toutes les grandes douleurs
Il passe sans vieux manteau, le mendiant
Silencieux comme les braises de la neige
Le mouille une pluie, le traverse un vent
Le froid sec a élu en son for un bon siège
Une peur derrière et un tremblement devant
Il rêve d’un très simple toit qui le protège
Tous les passants rentrent très pressés
Un bon repas chaud attend contre l’hiver
Bercés d’un amour au fils déjà bien tressés
Le blanc du dehors est, sur les doux lits, vert
Les maux du pauvre croissent sans cesser
Ils sont incurables, nombreux et très divers
Passe un couples enlacé, volent les baisers
Une chaleur de braises verse dans un corps
Une canicule qui rend certaines vies aisées
La compassion est presque devenue un tort
Importent peu les taudis devant les Élysées
L’amour fait bien vivre, le froid fait des morts
Loin, très loin s’en va l’esseulé au ventre vide
Ni feu pour le réchauffer, ni un mets de soutien
La faim est une menace que la mémoire dévide
Partout il n’y a aucune main si tiède qui le tient
Ses yeux perdent leur feu, se multiplient des rides
Et la vie s’en va en silence, en silence la mort vient