LE RHIN
Sa cascade effrénée dévale le versant
De son glacier natif, charriant sa substance
D'une haleine givrée au torrent bleuissant.
Dans la plaine plus bas, s'éteint sa fulgurance.
Longtemps comme le Styx, il a scindé en deux,
Haché d'un trait glacial des pays pourtant frères.
Ah, comme il paradait, superbe et vaniteux,
Gonflé de son eau sale et du sang de ses guerres!
Eternel assoiffé, il suce les ruisseaux,
Court vers sa Lorelei, la nymphe ensorceleuse
Dont la voix attirait de ses accents si beaux
Le batelier charmé vers ses berges rocheuses.
De ci de là parfois déplaçant ses îlots,
Par les neiges enflé de vagues bouillonnantes,
Il lâchait dans le ried des cataractes d'eau,
Fourbissant son courroux d'une rage écumante,
Et demeurait pourtant ce Rhin noble et chéri
De ses bras divagants se câlinant soi-même,
Inspirant l'amoureux, le romantique épris
Et leur prêtant sa lyre et ses élans bohèmes.
Le temps, patient sapeur, a su le bâillonner.
Son cours impétueux embrigadé par l'homme,
Ce goulu prédateur, est dès lors sillonné
D'hypertrophiés chalands, neuves bêtes de somme.
Contraint et assagi, couvant ensommeillé
En potentielle horreur sa centrale atomique
Il lui lèche les flancs de peur de l'éveiller
Conjurant l'explosion de l'apocalyptique.
Toute sa morgue bue, oubliée elle aussi,
Il tente par ses ponts d'abolir la distance,
Et se faisant chemin, s'en va unir ainsi
Ses peuples riverains dans la même mouvance.
NG
ried : zone inondable boisée du Rhin avant sa canalisation
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