La complainte des indécis...
Si j’votais pour Poutou je s’rais né à l’usine, d’une mère ouvrière et d’un père au chomdu.
J’ferais toutes les manifs, poing levé banderoles, à mort tous les patrons, et vive la Sociale !
J’vivrais dans mon HLM, au mieux en pavillon, mes gamins j’les aurais mis en technique, et puis ces salauds de profs, tout était de leur faute, déjà au temps d’mon paternel.
J’porterais un vieux jean et jamais de cravate, à mort tous les vieux bourges !
Si j’pouvais je mettrais les banquiers en prison, et puis de tout’ façon faudrait tout nettoyer.
En été j’partirais au camping des Flots Bleus, avec mes potes métallo on ref’rait le monde en buvant un p’tit jaune.
Si j’votais pour Poutou ben je regretterais Arlette, et p’t’être même le facteur, il avait une bonne tête!
Si je votais pour Fillon je serais né avec une cuillère en argent dans la bouche.
Ma mère s’appellerait Marie-Catherine et ne sortirait qu’en serre-tête et jupe bleue, fesses serrées elles aussi, aussi coincée du cul que du cerveau.
Mon grand-père m’aurait légué l’entreprise familiale, et aussi le castel en fin fond de Sologne. Nous irions y chasser entre amis de la banque, les soubrettes riraient devant nos gros billets.
Mes enfants auraient tous fait un grand lycée privé, ils seraient à Ginette, puis ensuite à l’ENA. Quelques courriers auraient facilité leurs stages.
Nous serions allés défiler comme on va à la messe, la PMA l’anti-Christ, et les gays aux enfers !
Si je votais pour Fillon, je fleurirais chaque jour mon autel au Grand Charles : lui au moins était probe, mais les temps ont changé…
Si je votais MLP, je serais vraiment un con.
À la moindre vue d’un Arabe ça me démangerait de choper un fusil pour tirer dans le tas. Ah, toutes ces ratonnades, j’en saliverais encore en en parlant aux enfants !
Je vivrais en HLM, ou peut-être dans un très bel hôtel particulier. Que je sois riche ou pauvre, je ne voudrais qu’une chose : rendre la France aux Gaulois, ses véritables habitants.
Dans de très grands meetings je ferais des quenelles, non, pas pour les manger, juste pour un selfie. Je chanterais, ému, souvent la Marseillaise, en pensant que je suis le seul à la connaître.
Les Migrants n’auraient qu’à apprendre à mieux nager, non mais vous vous rendrez compte, ces gens-là sont pires que la vermine, une fois qu’ils sont là ils ne repartent plus…
Mon berger allemand se nommerait Adolf, et ma sonnerie de portable serait Heili Heilo. Il faut bien Ă©duquer la jeunesse, pour leur sortir de la tĂŞte ces conneries de camps !
J’apprendrais quelques mots de russe, car on ne sait jamais. Si Poutine et Marine étaient dans un bateau….
Si je votais pour MLP j’aurais sur mon buffet un buste de Pétain, et parfois, nostalgique, je regarderais les photos jaunies de ma grand-mère au crâne rasé.
Si je votais Macron je ne saurais jamais quel plat commander à la cantine. J’aimerais le sucré mais le salé aussi, le café et le thé, la bière et le champagne, je serais indécis.
J’aurais voté à gauche, et puis à droite aussi, et un jour même au centre, avant de militer un peu dans les extrêmes, on m’appelle « ni ni ».
Je ne serais moi non plus pas vraiment légitime, arrivé par piston, protégé par mes pairs, je n’aurais pas le bac mais serais professeur, ou peut-être patron sans avoir fait d’études.
Je ne voyagerais que dans des bus pas chers, avec RB&B, ou parfois en ÜBER. Vive la liberté, que chacun se démerde, moi cela m’est égal qu’il ne soit pas un élu.
Comme dans la publicité j’adorerais ma banque !
Si je votais Macron je serais terre vierge, sans modèle connu, j’irais droit dans un mur en pensant très très fort que je le détruirais pour aller vers l’avenir.
Si je votais Jean Lassalle, je vivrais à la campagne. Je maudirais les Parigots et toutes leurs salades, et ferais du béret le drapeau national.
J’aurais moi aussi un accent rocailleux ! Sus à l’hégémonie du pays d’Oy et de Lutèce, je serais le paysan qui vient verser son fumier sur les Champs Élysées.
Je dirais parfois quelques salamalecs, et mes collègues souvent ne me comprendraient pas.
Je soutiendrais le régime Syrien, car tant qu’on n’a pas de preuves nul ne sait si Bachar est un vrai dictateur.
Et puis j’irais marcher, pour rencontrer la France, je dirais des bêtises tous les soirs au café, je ferais plein de blagues sur ma femme cochonne avant de reluquer les fesses des voisines.
Si je votais Jean Lassalle, je nourrirais une tendresse particulière pour Félix Faure, allez savoir pourquoi.
Si je votais Benoît Hamon je serais persuadé que la France est une rose.
Tout pétri d’idéaux, je n’accepterais pas de remettre en question toutes ces années devenues catastrophes.
Je serais un vieux prof, un de ceux qui avant parcouraient la Norvège en vêtements CAMIF durant deux mois d’été.
Aujourd’hui j’aurais bien sûr ma maison en Ars-en-Ré ; on ferait avec Lionel des apéros joyeux, quand on le connaît bien il n’est pas si austère.
J’aurais grandi à gauche, le portrait de Jaurès qui trônait dans ma chambre, avant Che Guevara quand j’aurais eu 15 ans. Le plus beau jour de ma vie fut en 81, et j’aurais appelé mon premier né François.
Mes enfants seraient tous allés dans une école publique, bon, sauf le surdoué, parti chez les cathos. Je serais un bouffeur de curé de première, par contre le voile ne me dérange pas.
Si je votais Hamon, je gravirais à Pentecôte la Roche de Solutré, pour moi le mécréant ce serait ma grand messe !
Si je votais Jean-Luc, je tutoierais le monde, on serait camarades de Marseille Ă Moscou !
Drapeau rouge et faucille seraient mes armoiries, et tout cet héritage ravirait mes enfants. J’aurais dans mon salon un portrait de Joseph, second degré bien sûr, mon vrai dieu c’est Lénine.
Moi aussi je serais un très grand orateur, et puis j’admirerais parfois des dictateurs. Sus à l’aigle teuton mais vive Hugo Chavez, moi l’Histoire je me l’arrangerais un peu à ma façon.
L’Allemagne serait l’ennemi à bannir, tous ces gros dégoulinants en Birkenstock odieux, engorgés de saucisse et de Grand Capital, il est temps de détruire cette Europe à genou !
Si je votais Jean-Luc, j’écraserais parfois une larme en cachette, regardant un débat avec Georges Marchais, mon club Dorothée à moi, mon amour de jeunesse.
*** à vous d'écrire la suite, je n'ai plus d'idées, comme les autres candidats:)
Sabine Aussenac
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Lou, aux nuits rossignol...