DESTINÉE


De l'univers longtemps, suivant la loi première,
L'homme, noble échelon du royaume animal,
Ce sublime fleuron d'un fabuleux bestiaire,
Resta l'inféodé d'un ordre immémorial.

Ô combien la nature en robe originelle,
Des pics enneigés à l'océan déferlant,
Pureté sans souillure, enchantait sa prunelle
Et confortait la joie en son cœur jubilant

Ô gueules des volcans que la terre déchaîne
Et vastes frondaisons que soutache l'éclair !
Vierge débordement de la forêt prochaine !
Miroitement des monts dans le bleu du ciel clair !

Il voyait haleter d'étincelants rivages
Aux grèves que berçaient les flots tumultueux
Et la voix de l'Esprit sourdait du fond des âges
Saluant du soleil l'essor majestueux.

À peine a-t-il été menu battement d'aile
Dans l'espace étoilé qu'il n'a jamais troublé,
À ses dieux tour à tour soumis puis infidèle
Et qu'il brûla souvent, bravache, sans trembler.

Et quand se retournant perclus de lassitude,
Son œil éteint contemple un monde industrieux,
Son infécond espoir pavé de solitude
Ne trouve son salut qu'en quelques rites pieux.

Mais que sont devenus les inspirés prophètes
Oracles vénérés, les essors primitifs
Des peuples réunis affrontant les tempêtes ?
Emportés par l'orage en souffles convulsifs !

Aucun élan naïf n'augure plus le monde.
Plus aucun exégète au grand livre entrouvert
Ne sait interpréter d'une ferveur féconde
De ce recueil secret le fabuleux concert !

Que pleurent tes enfants, suppôt des temps modernes !
En héritage ils n'ont que faune en extinction
Des poisons enfouis mortifères citernes,
Et du feu nucléaire âpre malédiction.

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