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http://sabineaussenac.blog.lemonde.fr/2018/11/10/cent-vers-pour-un-centenaire-14-18-commemoration-11novembre/Quand la fleur au fusil ils quittaient leurs village
Une joie sans pareille leur riait au visage :
Les enfants jubilaient, les anciens sur les bancs
Leur criaient de tuer chaque sang allemand.
Mais les mères en larmes, effondrées et sans voix
Les suivaient par les prés et les routes et les bois,
Caressant jusqu’au bout de tendresse infinie
Ces conscrits si souvent à l’orée de la vie,
Des fiancées serrant sur leurs corsets lacés
Les photos dentelées aux sourires lissés.
Et là -bas dans les plaines et vallées d’outre-Rhin
Mêmes scènes de liesse appelaient le destin…
L’uniforme était beau au regard des Poilus,
KĂ©pis rouges brodequins contre casques pointus,
Quand garance faisait de tous ces pantalons
Un Ă©cho innocent de tant de garnisons
Qui bientĂ´t baigneraient dans carnage carmin
Des tranchées carnassières aux barbaries sans fin.
Fièrement on marchait en promenant musettes,
Cartouchières au repos et calmes baïonnettes,
Sans savoir que la guerre, qu’on nommait « der des der »
Deviendrait pour quatre ans synonyme d’enfer.
Ils quittaient berge tendre oĂą sommeillait Garonne,
Traversant mille ponts, découvrant Loire et Rhône,
Pour venir tels oiseaux de sombres migrations
S’échouer dans les boues en agitant fanions,
Marionnettes sans fils tenues par dirigeants
Qui sans pitié aucune condamnaient leurs enfants,
Quand le riche et le pauvre, cordonnier, avocat,
Médecin ou tailleur s’égorgeaient au combat.
Ils pensaient à leurs champs ou à leur cour d’usine,
Aux seins tout en blancheur de leur fée Mélusine,
En serrant sur leur cœur les vélins violets
Parfumés d’écritures de tant de fiancées…
Ils rĂŞvaient de pain chaud et de vins capiteux
En rongeant leur pitance en leurs habits pouilleux,
Ils songeaient aux bouillons, aux poulardes garnies,
Aux fourneaux ruisselants de tant de mets rĂ´tis,
Et quand les canons fous leur tonnaient aux oreilles
Ils hurlaient, rugissaient, et les balles abeilles
Piquaient vies au hasard en un ballet sordide,
En un cri effroyable quand tant de corps candides
Devenaient la charpie, la bouillie, la curée
Dont seuls quelques chanceux revenaient rescapés.
Et la boue de la Meuse accueillait sans vergogne
Bordelais Berlinois Albigeois Autrichien,
Quand un monde en folie faisait des orphelins
Au fil des méridiens, pères morts en héros
Pour les mères patries dont mille maréchaux
Confisquaient le futur, rendant les éclopés,
Dont les gueules cassées effrayaient les passants,
Aux villages endeuillés de Gascogne ou Brabant.
Mais certains tirailleurs aux yeux doux d’amadou
Venaient d’autres océans pour défendre debout
Cette France affamée de la chair à canon,
Jamais rassasiée des massacres aux clairons,
Les peaux noires et blanches reposant de concert,
Les espoirs en lambeaux revenus Ă la terre.
Qui dira les assauts Ă main nue, en plein vent,
De mitraille ennemie qui vous glaçait les sangs,
Le courage infini, les sacrifices vains
De tous ces appelés fauchés par le Destin,
Mais aussi la vaillance des briseurs de combats,
Des mutins audacieux réclamant sans fracas
Paix des armes et des corps en amour fraternel,
Qui souvent périront d’avoir bravé l’appel.
Les femmes se levèrent pour remplacer les pères,
Retroussant les jupons, jeunes filles ou grands-mères,
Labourant les sillons délaissés par époux,
Gagnant l’indépendance avec ces quelques sous,
Veuves dignes, mères seules, fiancées éplorées
Gardant toute une vie la mémoire fanée
D’un bien-aimé parti, comme on veille un bouquet.
Cent années ont passé depuis cet Armistice,
Des Noëls et des Pâques et puis tant de solstices,
Une autre guerre atroce a déchiré les âmes
Quand pourtant toute paix devrait ĂŞtre la flamme
De cette éternité qui se nomme espérance,
Qu’elle habite Allemagne ou notre douce France.
Cet hommage en corolle Ă tous les beaux soldats,
Aux vaillants aux mutins aux enfants morts lĂ -bas,
Pour que cent ans plus tard plus jamais ne résonne
Autre cri que la PAIX que mille frères entonnent.
Sabine Aussenac.
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Lou, aux nuits rossignol...