Hommage aux poilus...
Il ne reste à présent, nul endroit pour l’espoir, Â
Un lourd brouillard de plomb s’abat sur les tranchées ;
La pluie en trombes d’eau, vient noyer ce mouroirÂ
Où tout n’est plus qu’effrois et que voix écorchées.
Ce pioupiou, englué dans une neige sale,
Moulé dans la capote où l’hiver l’a surpris,
Le front ensanglanté par un éclat de balle ;
C’est l’enfant qu’une mère appelle de ses cris !
Cet autre, qui gémit, et n'a plus de visage,
C'est l'amant de Saint-Jean, c'est le jeune garçon
Qui, dans un trou d'obus , vient finir le voyage
Et ne franchira plus, le seuil de sa maison...
C’est le fils bien-aimé, c’est le maître d’école,
C’est un père, un mari, dans son bleu horizon,
Qui partit pour la guerre, un fusil sur l’épaule
Un joli jour d'août , fête de la moisson.
À travers cet enfer, sous cette voute blême
Tant de fois avec eux, j’ai pleuré, j’ai crié!
Et se sont essoufflés mes déchirants «je t’ aime !»
Dans son ventre de fer, la mort a tout broyé.
Déjà , je ne suis plus, que présence éphémère,
Qu’un trémolo de vie, un nom qu’on oubliera.Â
Ce cher carnet, souillé , déchiré, sans charnière,
Où j’ai jeté mes mots, qui demain le lira ?
Hélas, pauvres soldats tombés pour un drapeau !
Irons-nous refleurir au champ de la mémoire ?
Ou , parmi tant de croix, à l'ombre du tombeau ;
Serons-nous effacés de vos livres d'histoire ?
Jamais ne reverrai ma natale Lorraine !
Dans la terre je glisse et fuis sous ton regard ;
Mon frère, mon ami, dont la main sur la mienne
S’est posée en tremblant, tel un oiseau blafard.
Au lointain, il y a, comme un ange qui pleure,
Tandis que je me meurs dans ce matin sans fond ;
De tes doigts engourdis ... sauras-tu tout à l’heure
Creuser d’un coeur vaillant mon lit de moribond ?
 Adieu ! tu m’avais dit : « nous nous retrouverons...
Loin, bien loin de la boue et du sang, ô mon frère !Â
Un jour au grand soleil, nous nous retrouverons
Ayant payé le prix de l’innommable guerre
Nous nous retrouverons sous le soleil de France
Inconnus, glorieux, nous les braves poilus !
Nous serons pour toujours,compagnons de souffranceÂ
Retenus à jamais par des liens absolus.
Nous nous retrouverons, sur cette grande Place
Où nous marchions hier, aux bras de jeunes filles,
Dont les baisers grenat, la taille qu'on enlace,
Attisaient sans efforts le feu de nos pupilles.Â
L’herbe aura reverdi, comme en ce jour d’été
Quand nous sommes partis, fleur à la boutonnière ;
Alors,nous lèverons, en ton nom libertéÂ
Ce verre que la vie emplira de lumière. »
-25 octobre 2018-