En ce dimanche un peu trop vide
Comme il en existe des milliers
Je me replonge le cœur avide
Dans l’océan de mon passé

Bercé par les notes de musique
De ces artistes qui font ma vie
Je me repasse frénétique
L’aquarelle des décennies

Dieu que le tableau est triste
Entre les conflits, les tueries
Les politiques nationalistes
Et l’extrémisme qui fleurit

Entre les hommes qui se vendent
Pour trois billets et des promesses
Qu’on emballe comme de la viande
Dans le progrès des grandes messes

Dieu tout-puissant de l’argent roi
Dieu bienpensant des morts de faim
Eglise, Mosquée, ou je n’sais quoi
Vive le culte des assassins

Entre les tempêtes, les typhons
Les Tsunamis et les séismes
Les marées noires qui sont légions
Sur les côtes du capitalisme

Entre les discours dégueulasses
D’un président qui fait joujou
Sur un Twitter où la masse
N’a pour QI qu’un énorme trou

Mais où est passé mon jardin
Et ma chambre internationale
Où d’un crayon naissait demain
Un monde aussi beau que normal ?

Où est passé mon rêve fou
De croire que tout est possible
Et que la vie est avant tout
Un jeu géant imprévisible ?

Presque trent’naire et écrivain
Propriétaire dans ma campagne
Bien loin des bureaux inhumains
En apparence c’est pas le bagne

Je vous l’accorde, si seulement
Y’avait pas ces espoirs tués
Par ce vieux monde sanguinolent
Où la culture est reléguée

Au rang de ringard démodé
Au rang de réacs rabat-joie
C’est vrai qu’il vaut mieux ignorer
Que de reprendre le combat

Ce soir, je pense à nos pères
Qu’ils soient ouvriers ou mineurs
Agriculteurs ou littéraires
Ou même les deux, par ailleurs

Je pense au manège des tombes
Ô tant ils doivent se retourner
De nous voir face à l’hécatombe
Rester bien sages le dos courbé

A quoi sert notre société ?
L’esclavagisme des temps modernes
Il est bien loin le temps passé
A bâtir un monde sans cerne

Elle est bien loin, mon aquarelle
Et mes crayons, et mes dessins
Que reste-t-il de nos marelles
Et de nos mômes de demain ?

Elle est bien loin, mon aquarelle
Mais bien vivante, je vous le dis
Car si la colère me rend pastel
Elle ne m’a pas encore ternie.

Loïk Perrin