Mardi gras, c'est presque seulement la fête
A toutes celles qui n'osent pas oser.
C'est le jour d'une nostalgie bien camouflée,
Celui où les ‘mères-qu'en-dira-t-on’
Vont enfin pouvoir se déguiser,
En mères d'enfants qui se déguisent,
Pour le plaisir non déguisé de la maman.
C'est la fête à celles qui trépignent
Et qui s'amusent pour du faux rire.
Afin de concrétiser "leur" jour :
Celui de "leur" désir costumé !
C'est le jour de celles qui ont remaquillé des souvenirs
Pour faire partie du rêve de "leur" fête à "leurs" enfants
Et afin d'exploser tous les faux-semblants,
En ce jour implosant d'inhibition dévorante,
Toutes les couturières de cet instant magique
Ont prêté leur préférence à leurs enfants obéissants.
Ils ont le choix entre colombine ou princesse,
Entre marquis ou Pierrot,
Entre princesse ou colombine,
Entre Pierrot ou marquis.
Enfin,
Entre tout ce qu'elles voudraient qu'ils veuillent.
Durant des avant-midi et des après-midi entières,
Elles ont cisaillé des centaines de coupons de plaisir velouté,
Rassemblé des milliers de morceaux de patience soyeuse
Et surfilé des tas d'ourlets de soulagements.
Elles ont même répété les applaudissements
Qui vont les faire rougir de surprise
Et à présent tout est bien en place
Dans leur tête méticuleusement recousue.
Tout est enfin prêt.
Sauf ce qui manque toujours à la dernière minute.
C'est surtout la fête
A celles qui veulent vaincre pour du rire grave.
Quand du haut d'un poing levé jusqu'aux cieux
Leurs confettis exorcistes dégringolent en offrande,
Transpercés ça et là par des serpentins conspirateurs.
Mais les minutes commencent à se découdre,
Au rythme étouffant des compliments recherchés
Et la patience des propriétaires d'enfants gagnants,
Finit par se dissoudre dans la frénésie déraisonnable
De leurs petits costumés se déchirant de joie insouciante.
Maintenant les secondes ne tiennent plus qu'Ã un fil
Et la récompense finale toujours en suspend,
Est déjà brodée sur chacune des lèvres rougeoyantes.
Prêtes à hurler la victoire trop attendue,
Dans un magnifique étonnement prémédité.
Le jury traverse enfin les tempêtes maternelles
Et au travers de l'averse en gouttes de papiers colorés,
Chacune des mères impatientes
Cherche à réconforter les vaincues d'avance,
Tout en souriant avec une compassion stimulante
A tous les moins beaux que leurs enfants.
Des enfants au sourire gourmand,
Qui pensent bien plus au grand goûter triomphal
Étalé devant l'estrade à numéroter les silences,
Qu'au premier prix parfumé de sueur amidonnée
Dégusté par l'espoir des mamans fébriles.
Mais qu'importe,
C'est aussi la fête à tous ces "grands" perdus par les ans
Et qui n'osent plus se retrouver comme des enfants.