Je me rappelle un soir d'hiver
Sur un parking un peu désert...
Une inconnue aux yeux marrons,
Une pointe, une crevaison,
Et ce long regard échangé
Près de sa voiture arrêtée.
Je revois dans ce souvenir
Ses cheveux mi longs, son sourire,
Et l'incomparable beauté
Que son image m'a laissée,
Mais c'est toujours à ce regard
Que me ramène ma mémoire.
En me plongeant dans ses iris
J'ai basculé vers les abysses
D'un monde tendre et sensuel...
Mais dans un flash, une étincelle,
J'y ai vu le pneu dégonflé
Et soudain tout s'est mélangé !
Dans une confusion troublante,
J'étais là , les doigts sur la jante,
A lui retirer en douceur
Son pardessus enjoliveur
Et à défaire, déjà grisé,
Les écrous de son chemisier.
Tandis que le cric en émoi
Montait comme un désir en moi,
Je m'imaginais la dentelle,
Tour après tour de manivelle,
Apparaître sous le corsage
Au gré de ce déboulonnage.
Mais sous la pression mécanique,
J'ai perdu le contrôl' technique
Lorsque j'ai saisi par les hanches
La roue à plat sous l'aile blanche
Et au contour passé mes mains
Pour trouver la pointe en son sein.
La pression est montée encore
Quand, tournant en roue-libre alors,
Ell' m'a dit, les yeux dans l'essieu,
Que si j'avais "l'air" amoureux
Ell' s'offrirait sans condition
Au souffle de mes tentations...
A ces mots, dans tous mes états,
J'ai soufflé, soufflé à tout va.
J'ai mêm' soufflé des mots d'amour
Qui gonflaient tant la roue d' secours
Qu'ell' m'a éjecté sans tarder
Pour ne pas finir déjantée !
Retombé la tête à l'envers
A côté de mon lit, par terre,
J'ai réalisé, en panique,
Que dans mon délir' pneumatique
J'avais manqué de m'étouffer
En voulant gonfler l'oreiller.
C'était un rêve, rien de plus...
Un simple rêve aussi tordu
Que ce clou que j'ai découvert
Entre mes doigts ce soir d'hiver
En me réveillant dans le noir
Lors de la chute de l'histoire...
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