Je les ai regardés s'évader de ma vie…

Sans regretter les autres lendemains de ma mère
Et fuyant par-dessus mes peurs inconsolables,
Mon père est parti !
En s'excusant bien trop tard,
De ne pouvoir me regarder grandir
Plus loin que les derniers balbutiements de mon enfance.

Sans chercher à retenir les aujourd'hui de mon père
Et couvrant le bruit de mes pleurs impuissants,
Ma mère lui a jeté un boisseau d'injures
Qui s'est éclaté devant mes pieds enlisés,
En provoquant un "croc-en-avenir" insouciant
Aux tous premiers pas de mon adolescence.

Vaincu par l'impuissance de mon jeune âge,
Je me suis recroquevillé au bord du nid déserté,
Les yeux craquelés par des larmes frissonnantes
Qui s'asséchaient les unes derrière les autres,
Dans leurs éphémères envols ultimes
Provoqués par le battement de mes cils affolés.

Et mes jours vont passer en oubliant mes vouloirs…

Blessé par les non-dits de mes références génitrices,
Je me suis posé en équilibre sur un destin filiforme
Et la tête repliée sous l'aile de mes interrogations meurtries,
Mon espoir prématuré s'est dissous lentement
Dans l'eau croupie de mes chagrins délaissés.

Et mes nuits vont sombrer dans mes questions interdites…

En piétinant mon esprit envahi d'idées folles,
Des "impersonnalités" sont venues expertiser mes souffrances
Et toutes, fort sévèrement assises en rond-de-cuir,
M'ont rassuré méthodiquement
En me bouchant les oreilles de leurs paroles cotonneuses.

Les unes se sont intéressées à ce qui ne les regardait pas,
Les autres m'ont posé des tas de réponses préparées
Pour ne pas se perdre dans les besoins de mon cœur.

Tous ces gens qui ne comptaient pas dans ma vie
M'ont fabriqué des futurs souvenirs remplis de zéros,
Afin de me facturer une destinée incalculable
Qui serait bien plus avantageuse pour eux que moi.

Ces Messieurs et quelques,
Ont décidé que je vivrais bien mieux chez ma mère,
Mais sans m'interdire moins d'un bonjour mensuel à mon père.
Ces Mesdames etc.
Ont présumé que je ne pouvais vivre avec mon père,
Sans égratigner les seuls droits égoïstes de ma mère.

Et mon existence va stagner en embourbant ma vie…

Alors je vais apprendre à vivre loin de moi,
Sous la tutelle d'une incertitude sentimentale.
Alors je vais m'obliger à découper mes amours,
Pour les partager entre ces deux poumons reproducteurs
Qui distillent leur désaveu dans mon âme essoufflée.
Alors je vais chercher à m'innocenter sans cesse,
Pour déculpabiliser chaque élan de mon cœur aveuglé.

Fugace adolescent au rictus juvénile,
Je vais devoir apprendre à muscler mes pardons,
Pour savoir m'affronter d'homme à enfant
Dans un face-à-moi déjà perdu d'avance.

Je vais devoir vivre entre ces deux amours codifiées
Et j'ai peur de l'émancipation de ce trop tard
Qui me donnera le droit de choisir moi-même,
Entre l'enfant battu par les larmes
Et l'homme grimaçant de rancœurs ineffaçables.