La toussaint - (Recueil : "CÉLÉBRATIONS").
« La poésie est dans les idées ;
les idées viennent de l'âme (Victor Hugo) »
PSALMODIE SÉPULCRALE.
On confond trop souvent La Toussaint,
célébrée le 1er novembre,
Avec le jour des morts,
célébré le 2 novembre.
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Le 1er novembre,
C'est la fête d'avant la journée des défunts. Celle des "humbles" qui ont vécu comme ils pouvaient. En faisant des enfants, en travaillant pour les faire bien vivre.
C'est l'avant fête de la fête d'après. Même celle des inconnus au-delà d'eux-mêmes qui ne sont pas un modèle à suivre. Pas plus qu'un exemple à méditer.C'est la veille d'un jour tristement ouvré,
Celle de ce jour dédié à ces anonymes mal fêtés,
Ceux qui ont pourtant fait avancer le monde,
Même celui des fidèles, même celui des incroyants.
C'est la fête de ce jour catégorique.
Celle de tous les saints qui sont morts
En payant de leur vie leur foi en l'au-delà .
Une fête que l'on célèbre une fois par an
Pour les garder un peu vivant dans le souvenir.
La fête de tous les anciens canonisés
Qui s'épellent comme ces autres baptisés.
Comme ceux qui se prénomment aussi comme eux,
Comme ceux qui ne font pas de miracle,
Comme ceux qui ne sont pas dévorés par les lions,
Comme ceux qui ne vivent pas comme on doit vivre
Pour devenir un saint qui s'appelle comme tout un chacun.
C'est la fête où l'on honore tous les saints,
Les connus, les mal connus, les inconnus.
Mais c'est aussi la fête où l'on se trompe de jour.
Celle où l'on achète déjà des poignées de fleurs déterrées,
Pour les poser sur ceux qui sont enterrés six pieds sous terre
Et qui ne peuvent plus les respirer.
Le 1er novembre,
C'est la fête où l'on devrait d'abord se rappeler des nôtres. Du nom des vivants qui ne sont pas tout à fait morts. Avant de bientôt les regretter et de les fêter pour s'excuser. Avant de les oublier pendant une année entière et les faire revenir dans nos souvenances. Un ou deux jours comme ça.C'est la fête pour tous les "auréolés",
Pour tous les "distingués" pour leur élévation spirituelle.
C'est la célébration de tous les "béatifiés" du paradis,
Mais c'est seulement la veille de l'autre fête,
Celle de ceux qui reposent en paix ici-bas.
C'est le jour où chacun devrait attendre encore un peu.
Avant de vouloir excommunier l'inévitable,
Avant de pleurer ceux qui n'ont pas su,
Avant de regarder la mort en face.
Avant de se souvenir un jour moins tard,
Du nom de ces morts perdus dans les regrets éternels
Et qui reviennent dans les pensées d'un jour trop tôt.
C'est l'après récupéré et replanté dans l'aujourd'hui,
Une fête triste à ne pas même rire jaune.
Une journée qui devrait respirer la félicité
Et pourtant déjà tristement parfumée
De chrysanthèmes aux pétales endeuillés.
C'est l'avant demain d'une simple date du calendrier,
D'un jour comme tous ces autres jours déchristianisés.
Celle d'un moment chargé d'imposantes gerbes éphémères
Silencieusement déposées sur d'humbles sépultures éternelles.
Celle d'un instant inondé de couronnes très chères payées,
Pour des êtres qui ne sont chers au cœur des vivants
Que le temps d'y penser de temps à autre.
C'est la veille d'un silencieux mea-culpa abusif.
Celle d'une fête pleine de chagrins réappropriés,
Sans gâteau d'anniversaire aux bougies larmoyantes
A partager au nom de tous les saints du Saint-Siège.
Sans bouquets de roses bonbons
Cueillies dans le jardin des délices d'un bon vivant.
C'est une avant fête écrite en gros et gras,
Celle d'un jour que l'on pourrait ne pas fêter,
Mais que l'on ne peut pas ignorer.
Parce que c'est un jour qui ressemble à un dimanche,
Même si c'est l'hier d'un lendemain non férié.
Alors c'est un jour que l'on doit commémorer,
Même si l'on n'y croit pas.
Parce qu'on ne sait jamais,
Parce que c'est comme ça.
Le 1er novembre,
C'est un jour uniquement dédié aux bienheureux. Un jour consacré aux seuls sanctifiés. Un jour trop banalement confondu et pieusement amputé du suivant sans vraie raison. Lequel est justement voué à ne fêter que les morts familiers d'entre les morts anonymes. C'est un jour individué par automatisme et honoré sans réfléchir. Sans écouter le calendrier. Un jour pourtant minutieusement daté, pour bien se rappeler de se souvenir du vrai triste jour d'après ce jour-là .C'est devenu un jour pour aider la mémoire.
Pas comme ces autres jours vécus au jour le jour
Et qui meurent au loin de ces anciens vivants
Gisant dans l'oubli d'une année tout entière.
Ni comme ces autres nuits,
Entassées sur des excuses sommeilleuses
Et qui ne se rappellent presque plus
Du nom de tous ces morts qui ont donné la vie.
C'est devenu une fête comme ça.
Juste pour se préparer à pleurer.
Une fête marquée comme une épitaphe à cette autre fête.
Celle où l'on s'habille à chaque fois d'un deuil sincère,
Pour demander sincèrement pardon
A tous ceux qui ne peuvent plus entendre.
Le 1er novembre,
Ce n'est pourtant que la fête du ressouvenir mystique. Celle de l'éducation pieusement agenouillée devant l'au-delà . Devant tous les Saints dressés dans leur niche architecturale. C'est l'avant fête de celle que l'on ne reconnaît plus. Celle de ces canonisés à tout jamais étendus dans l'oubli. C'est la redondance entre 2 fêtes idem ibidem. Une double fois par mort. Une double fois par an !
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« La vie n'est supportable que si l'on y introduit non pas de l'utopie mais de la poésie (Edgar Morin) »
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