La ‘désalliance’, etc.
... partir un jour, au-delà d'un oui encore tout agenouillé.
Dérober sur l'autel déserté le seul meilleur pour soi-même,
En répudiant le pire infligé à cette détresse souillée,
Répandue sur les larmes maculées d'un adieu émétique
Et re promise à un non-droit aux silences meurtriers.
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Elle avait eu le droit de dire oui, Devant dieu et ses hommes. Elle avait eu le droit d'accepter, Derrière l'homme et ses conditions.
Elle avait eu la permission de ne plus penser à elle, D'être à jamais là pour l'attendre Et d'être habillée de silence pour avoir le droit de rester. Prédisposée à le comprendre sans ambages, Elle avait eu l'autorisation de ne penser qu'à lui Et d'être capable de ne pas avoir le droit de compter.
Agenouillée sur son enfance langée de chaînes patriarcales, Elle lui avait remis sa jeunesse "enviergée".
D'un seul mot, Formellement ratifié par tous les siens Et psalmodié sur l'autel d'un devoir entretenu, Elle avait épousé son autre loi masculine.
Au son de mille mots, Piquée par l'aiguillon irresponsable Des accords martelés par tous ces autres, Elle avait dû accepter de s'offrir aux jouissances maculées Rugies dans une couche trempée de sueurs bestiales.
Sans un mot, Entre parentage et mariage, Elle avait abandonné aux hommes les deux moitiés de sa vie Pour apprendre à ne pas savoir vivre seule.
... et aujourd'hui, Il est parti. Comme ça, Sans sommation.
Au bout d'un quart de siècle de pleine infidélité, Il a rangé ses amours spasmodiques Dans une valise bourrée de non souvenirs. Sans un regard pour leur passé stérile, Il a épousseté son habit endeuillé d'ironie Et s'est encapuchonné d'un courant d'air vicieux Pour éviter les embarras de l'explication.
Il a gommé les traces de son passage D'un grand coup de serpillière visqueuse Et il s'est regardé bien en face. D'homme à homme. Sans savoir rougir. Puis il a franchi la porte de son insouciance.
Il a désavoué son ancienne promise, En abjurant ses années innocentes Emmurées dans des espoirs étranglés Et chiffonnées par tant de douleurs acceptées.
Il a effacé sa femme, En désertant sa vieillesse précoce Engorgée de larmes desséchées, Dépiautée d'amours mal caressées.
Répudiée par le devoir de le servir, Elle a encore perdu. Devant la seule foi de l'homme.
Toujours agenouillée sur son enfance piétinée, Elle a encore pleuré. Derrière le seul droit de l'homme.
Aujourd'hui, Il s'en est allé. Sans se retourner. En l'oubliant, Dans le recoin d'une vie départagée.
- Arteaga (Recueil : "DÉPARTS") |
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Néologismes :
- "enviergée"
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« La vie n'est supportable que si l'on y introduit non pas de l'utopie mais de la poésie (Edgar Morin) »
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