J'ai 12 ans
Et je m'appelle : 13/01/2062.



C'est ma frontière de non-retour, aux portes de laquelle
Se sont agglutiné mes souvenirs poisseux.

Je suis presque seul,
À peine flanqué de deux frères persécutés par l'inutile.
Avec en toile de fond,
Les silhouettes d'une mère abusée et d'un père dégoûté.

Mes parents se sont mariés pour le pire,
En acceptant de ne pas croire au meilleur.
Ils n'étaient pourtant que de la chair à solitude,
Mais ils avaient trop besoin d'être à deux pour se supporter eux-mêmes
Et trop envie de rassurer leurs journées infertiles
Pour ne pas continuer à faire mal vivre leur habitude d'exister.

Ils ont engrossé une nuit de leur devoir machinal
Dans un stupide malentendu conjugal
Et je suis venu pour rien
Et ils ont continué leur vie sans moi
Et sans les deux autres petits égarements charnels,
Qui sont aussi venus les regarder vieillir sans eux.



Ceci, depuis qu'ils ont eu le droit d'accepter sans comprendre.
Et dès qu'ils ont eu l'âge d'avoir le droit de gagner leur vie,
Ils ont perdu le droit de travailler pour compter vraiment.

Alors,
Après des jours et des années d'incompréhension,
Ils se sont enfin compris dans une fin de vie sans fin.
En se créditant d'une histoire de vivre,
Qu'un "ON" majuscule leur a prêté pour un rendu,
Afin de les vomir sans trop éclabousser les droits de L'homme.

Ainsi,
Pour ne pas gêner le bon compte des bons amis éloignés,
Ils se sont totalisés dans une vie qui calcule chichement leurs droits.
Une vie qui additionne leurs travers,
En y soustrayant leurs envies profondes.
Une vie qui les archive jour après jour,
Dans une vie parallèle à la vie de chaque jour.

Mais je ne peux pas leur en vouloir.
Car même avant d'avoir atteint l'âge de déraison,
Je sais que très bientôt
Je vais pouvoir prendre la suite de mon père
Et je vais devoir le suivre à reculons,
Pour mieux sauter par-dessus mon avenir.



Le temps de récupérer quelques instants d'utilité familiale
Et juste le temps de perdre un peu de son temps improductif.
En le gâchant avec quelques gosses irrécupérables.
Quatre en tous, papa et moi compris !

Le reste de son "temps à autre",
Elle le passe au long des files d'attente.
Celles de la banque alimentaire,
Du vestiaire populaire,
Des allocations impopulaires
Et parfois même,
Elle repasse un autre bout de temps entre d'autres files d'attente.
Pour demander le droit de faire la queue ailleurs
Ou pour broyer le temps qui ne sert pas à attendre.

Mon père, lui,
Ne passe pas que son temps,
Il égoutte aussi son avenir.
En trois activités principales
Et quelques dérapages chimériques.
Entre sa bouteille intarissable,
Sa télé insatiable
Et ses demandes incontournables.

Ses dérapages illusoires,
Ce sont les quelques minutes de sommeil comateux
Qu'il vomit ça ou là.
Quand il n'y a plus d'image dans sa bouteille,
Quand il n'y a plus rien à boire à la télé
Ou quand il n'a plus la force de faire pitié pour trois fois rien.

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• Page 05: L'enfant des inégalités.

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• Page 07: L'enfant des sentiers sans issues.

• Page 08:  L'enfant des trottoirs solitaires.

• Page 09: 2150, L'enfant de L'avenir perdu.

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