Plume de soie Inscrit le: 20/7/2021 De: |
De la Belle à la Bête La Bête pour avoir la Belle dans son lit Ne put se retenir de montrer son esprit. La vieille fée oyant ce langage de crème Et voyant dans ses yeux la Belle penser : « J'aime », Apparut au salon, devant les deux amants, Un sourire à la face exposant jaunes dents.
« Tu n'as su, orgueilleux, observer et te taire. Il a fallu céans que tu veuilles lui plaire ! A compter de ce jour, jusqu'à ce que tu meures, Tu resteras la Bête et lui feras horreur. »
Dans un rire de fou, la vieille fée partit En laissant sur ses pas la froideur de la nuit. La pâleur se lisait dans l’œil blanc de la Bête, Et ce prince déchu, d'un mouvement de tête Sembla faire un instant une excuse à la Belle D'avoir déçu l'attente et les espoirs de celle Qu'il eût voulu pour dame et double de son âme, Mais imposer ce drame à cette pure femme...
« La Belle je m'en vais. J'irai dans la montagne Construire de mes mains un antre de cocagne : Grotte, rocher et mousse, avec des perles d'eau Qui gouttent du plafond, drainées par le plateau, Seront suffisant pour … le monstre que je suis. Je resterai toujours en ce trop sombre étui. La Belle, je vous laisse en signe de largesses Ce palais, ces foyers, ces robes, ces richesses ; Tout pour combler vos vœux, excepté ma beauté A jamais rejeté sous ses horribles traits. »
Ainsi parla la Bête et la Belle pleura Retenant son aimé de ses trop faibles bras. Et la Bête en allée, la Belle inconsolable ; Et la fée d'arriver, de proposer, affable, D'effacer de son cœur les souvenirs saignant, De disperser ses feux aux souffles de l'autan.
La Belle frénétique, arrachant ses cheveux, Fit à la douce fée ce discours malheureux : « Fée, ami de mon prince et amie des amants, Le sort est contre moi, m'accable de tourments. Pour la première fois, j'aimais d'un amour pur Un homme autre que père, et, malgré sa nature, Je sus trouver en lui des perles innommables, Des mots doux et précieux, trésors inconcevables. Non seulement j'aimais, mais l'on m'aimait aussi Du plus profond amour que jamais homme vit. Douce amie, je t'en prie, réunis-nous tous deux ; Transforme ce palais en paradis heureux. Que la rose à nouveau garnisse le rosier ! Que la Bête à nouveau sillonne ces planchers ! Et si, suivant les mots de cette misérable, Le nom de Belle accroît la douleur qui m'accable, Fais de moi une bête et informe et velue, Car il me semble alors que je n'aimerais plus Aussi fortement homme que j'aimasse la Bête. S'il faut ce sort enfin pour apaiser mes maux, Puissions-nous nous aimer comme des animaux ! »
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