Les deux bras noués autour de sa bouteille,
Julien tente de repousser ces lendemains
Qui cherchent à le poignarder dans le dos.
Lorsque ses parents sont devenus trop fatigués,
Pour mendier de quoi payer son avenir scolaire,
On a détourné ses rêves d'étudiant.
Alors il est parti. Longtemps. Pour toujours...
D'abord, il a cherché cette offre d'emploi.
Celle qui aurait timidement pu se cacher
Au milieu de tous les licenciements journaliers,
Parfois oublieux de leurs conséquences désastreuses.
Souvent, même.
Il a fureté un peu partout, mais en vain.
Malgré tout, pour ne pas sombrer tout de suite,
Il a bien rendu de menus services.
Quelques prestations gentiment rémunérées
Dans l'ombre d'une faveur au noir.
Seulement, on ne lui accordait pas la très fameuse fiche de paie.
On ne lui donnait pas ce justificatif indispensable. Celui qui prouve que l'on travaille bien pour sa patrie. Il n'avait pas ce bulletin qui donne le droit de pouvoir dormir en dehors des rues. Même dans un tout petit chez soi. Bien au chaud. Bien au propre. Bien au sec, comme un coup de trique. Alors il est reparti, beaucoup plus longtemps.
Aujourd'hui, Julien a trouvé un immense trottoir deux pièces,
Dont une gigantesque salle de bain
Directement branchée sur les caniveaux attenants.
Il continue de chercher un boulot d'être humain,
Poussé par les quelques délires
Qui commencent à se coaguler dans sa tête.
Mais il n'a plus que le rictus de la fatalité pour accompagner ses litanies.
L'hiver, il déménage et réaménage sans cesse,
Au gré de ses espoirs alcoolisés.
Prospectant aux bons vœux d'une maréchaussée
Qui lui interdit parfois la libre utilisation de ses pavés battus.
Il vague. De cachette de nuit en tanière de jour.
Julien n'a qu'une amie, en dehors de sa bouteille intarissable.
Tout du moins, il connaît un visage qui ne l'insulte pas.
C'est Solange, la vieille petite jeune
Qui habite juste à côté de ses errances.