MENSONGE ET VÉRITÉ
Tous les songes, dit-on, ne sont que des mensonges ;
À vérité ténue, mensonge est exaltant ;
On l’arrange, on le tord comme avec des éponges,
Selon la forme au plan que chacun en attend.
Dire la vérité, parfois, nous est pénible,
Car trop apparentée aux mensonges d’autrui ;
L’accent de vérité au mensonge est faillible,
Et l’un qui se construit par l’autre se détruit.
Si nous avons besoin du voile du mensonge,
L’exagération tue toute vérité ;
Le risque devient grand, et sa charge nous plonge
Dans un imbroglio plus ou moins agité.
D’une vérité moindre on passe à la plus grande,
Le vrai faux mensonge, signe de vérité,
Paraît plus vertueux, au point qu’on s’en défende,
Puisqu’un mensonge imite avec fidélité.
Le mensonge des uns aux mensonges des autres,
Devient un antidote et sert les intérêts ;
Chacun y joue son jeu, au fard des bons apĂ´tres,
Une main sur le cœur et les yeux guillerets.
Car si la vérité en chacun peut attendre,
Le mensonge, lui seul, est bien souvent pressé ;
Mensonge et vérité ont du choix à revendre :
Tous deux ont leurs atouts, chacun bien exercé.
Tel une vérité qui se trompe de date,
Un mensonge n’est plus quand il a réussi ;
Cela tiendra beaucoup si l’on est diplomate,
Sans retenue, alors, on lui dira « merci ».
Rien ne sert de mentir sans l’éclat du mensonge ;
Toute pensée qui dure est contradiction ;
Toute sincérité qui se crie, se prolonge,
Étant à percevoir comme acceptation.
La fausse modestie décence du mensonge,
Est à la vérité un leurre bien pensant ;
Si certains s’y appuient sans remord qui les ronge,
Peut-être ont-ils raison ; Est-ce réjouissant ?
Mensonge et vérité sont au terme des choses ;
Le temps use l’erreur, polit la vérité ;*
Se déchirer l’esprit vaudrait bien des psychoses,
À qui voudrait trancher, s’en croyant mandaté.
Toute vérité trompe aussi bien que l’erreur
Où le poids du mensonge, et qu’elle s’autorise ;
Méfions-nous du brave autant que du hâbleur,
Les mots de vérité n’ont aucune expertise.
* Distique du Duc de LEVIS.
ANDRÉ
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Citation :
La poésie se nourrit aux sources de la prose et s'embellit au concerto des mots. (André LAUGIER)