Le printemps a oublié son ombrelle
Et il est retourné la chercher.
Mais sans refermer la porte derrière lui.
Alors, l'hiver agonisant a profité de l'occasion,
Pour revenir secouer les restes de sa froidure
Sur le seuil de ma mélancolie.

Tôt, ce matin-là,
Je me sentais malheureux comme les pierres.
Car il gelait à pierre fendre
Et quelques soupirs durs comme la pierre
Ont commencé à jeter des pierres sur l'hiver importun.

Blessé et malheureux comme chacune de ces pierres
Qu'il recevait inévitablement en ces périodes de l'année,
L'hiver s'est finalement soumis aux pieds du sacre printanier.
Repoussé par ce retour impérieux, il s'est fondu peu à peu
Dans l'avancée d'un soleil devenu bien trop autoritaire.

Il y a tant de mots durs et rugueux comme le minéral,
Pour exprimer des sentiments intolérants,
Mais toutes ces caricatures poreuses
S'effritaient contre mes pardons stratifiés d'aujourd'hui.

Du fond de mes nouveaux regrets,
Je voulais voir vraiment les mille et un visages
De tous ces minéraux dénaturés avec ou sans raison
Et qui prêtaient leur nom à des colères humaines.

J'ai alors posé un regard nouveau
Sur tous ces minéraux au service de l'homme,
Se dénaturant en volontés personnelles
Pour justifier leurs desseins.


Étal symbolique du sacrifice rituel
Ou du dépôt d’offrandes intéressées,
               LA PIERRE D'AUTEL !
... table de prière immaculée par des hommes à genoux,
Reposoir glacé d'une adoration écrite par eux-mêmes
Pour glorifier leurs propres élévations spirituelles.
... ou billot de rocher fiévreux marbré de sueurs purpurines,
Réceptacle dégoulinant de sacrifices infectés de glorioles
Pour offrir des soupirs innocents aux idoles insatiables.

Sédiment siliceux armant le bras
Ou géniteur de lumière et de chaleur,
               LA PIERRE DE SILEX !
... indispensable éclat meurtrier,
Taillé pour les flèches de l'intransigeance,
Larme de fiel pénétrant le cœur des vivants condamnés.
... ou perle ignée des siècles originels,
Génitrice de la flamme bienheureuse,
Frottée pour éclairer le sombre destin des hommes.

Gemme des strates originelles
Ou des poitrails gonflés d'importance,
               L'EAU DE PIERRE !
... gouttelette sensuelle des parures intimes de la terre,
Richesse façonnée par les jours
Pour illuminer les nuits de tous les êtres morts ou vivants.
... ou source de rivière charriant des puissances aveuglées,
Collier de cristal désincarné et serti de sombres vautours figés,
Aux griffes incrustées dans des désirs inassouvissables.

Érection commémorative
Ou colère crayonnée sur parpaing mâché,
               LA PIERRE EXUTOIRE !
... expression solidifiée du souvenir toujours menaçant,
Emportée dans l'exil saturé de douleurs
Et pénétrée des parfums de la terre des ancêtres.
... ou soutien confessionnel des impuissances inécoutées,
Ramassé dans des rages engorgées de prières perdues
Et lancé à la face des pourquoi intouchables.

Tanière ouverte aux épouvantes repoussées
Ou reliquaire des premières inspirations,
               LA PIERRE DE «... L'ÂGE…» !
... antre hospitalier vénéré par l'homme-animal,
Refuge ancestral creusé pour abriter ces peurs nées autrefois
Et toujours à la merci des colères célestes d'aujourd'hui.
... éventration naturelle ouverte aux questions éternelles,
Recueil des parois empreintes à la main par des anciens vivants
Et illustrées par leurs âmes fossilisées dans les siècles.

Index silencieux pointé vers le ciel
Ou démarcation autoritaire solidifiée,
               LA PIERRE LEVÉE !
... témoin par contumace d'une vie égarée dans le passé,
Question sans réponse enracinée dans des terres muettes
Et inaccessible aux esprits déformés par le temps.
... borne sentencieuse des partages surnaturels,
Coupoir pétrifié de l'intolérance des frontières fabriquées,
Saignant les pleurs des incompréhensions refoulées.

Premiers pas des édifices auréolés
Ou confessionnal des âmes emmurées,
               LA PIERRE DE L'HOMME !
... première conscience des cérémonies populaires.
... dernière confidente du désespoir des cachots.

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