Trois ou quatre fois par jour,
On prendra de leurs nouvelles,
Comme on prend la température,
Comme on prend le pouls d'un mourant
Et la nuit, on leur prêtera un bonsoir truqué
Pour les jouer de l'espoir d'un lendemain possible.
On ne leur dira rien d'autre.
Alors, sans vraiment savoir où pleurer,
Ils iront et reviendront sans cesse,
S'excusant devant chaque porte en uniforme
A peine entrebâillée par leur souffle insignifiant,
Pour mendier une lettre mal espérée
Ou les restes d'un passé qu'on leur a aussi volé.
Ils ne pouvaient plus s'appartenir
Et les séquelles de leur avenir tremblotant
Ne savait plus les garder chez eux.
Car le présent qui passe sans s'attendrir
En filant beaucoup trop loin de leurs facultés,
S'oublie très vite et n'a vraiment plus le temps
De les accompagner dans ses devoirs falsifiés.
Même la multiplication de leur chair,
Ne voulait surtout pas pouvoir les conserver
Dans un cocon de souvenirs trop malcommodes
Et pouvait même ne pas pouvoir les recueillir
Dans de désuètes obligations naturelles
Aujourd'hui bien trop dépassées.
Plus personne ne viendra leur poser de vraies questions.
Ils n'ont plus l'âge d'être utilisés
Et les minutes squelettiques rythment déjà le rebours des adieux,
En trottant dans leur tête saccadée par des tics effrayés.
Ils sont trop âgés de quelques enfants oublieux
Et presque trop morts de tant d'années de bienveillance.
Ils sont juste assez vivants pour vendre leurs derniers instants,
A ce mouroir débordant de fruits pressés jusqu'à la lie
Et desséchés par un soleil manufacturé.
Conduits froidement par des volontés gavées d'excuses
Au bout de cet avant-dernier départ trop loin de leur maison,
Ils vont s'imprimer dans une page écrite hors de leur volonté
Et dans quelques "tout à l'heure" insignifiants,
Par un beau dernier matin gravé sur un marbre glacé,
Le parchemin de leur âme sera griffonné par des mains fébriles
Enfin soulagées d'un trop-plein de larmes éphémères.
- Arteaga.