L'écrasante grille de sa cellule incolore,
S'est de nouveau entrouverte sur un enclos mesquin,
Brutalement emmuré d'un épais silence barbelé.
C'est l'instant de la promenade,
Accordée pour ne pas devenir fou trop vite.
C'est l'heure de sa liberté rituelle,
Minutée par un pâtre à la pelisse bleu revolver,
Qui enchaîne consciencieusement sa brebis galeuse
Aux rictus plantés dans ses regards métalliques.
"L'embastillé" ne sait même plus où ne pas aller
Et depuis presque onze années aujourd'hui,
Il réemprunte ses propres traces indélébiles
A la poursuite d'un recommencement journalier.
Au pied de ses sentiments décapités,
Les quatre-vingt-dix-mille centimètres carrés
Circonscrivant son immensité concentrée
Ne cherchent même plus à s'évader de ses pas vaincus,
Trop lourds de quelques quatre-mille journées
Entrecoupées par de pâles récréations surveillées.
Il n'y a pas d'oiseau
Dans son jardin métallique,
Salement recouvert d'un gazon bien armé
Et pas un seul murmure,
Dans son bout de caniveau asséché,
Lentement reverdi par un temps qui ne se presse plus.
Il n'y a pas de fleur à couper,
Ni de rire aux éclats pour jouer à la balle au prisonnier,
Ni d'arbre pour essayer de grimper jusqu'au ciel
Ou pour se pendre au cou d'une branche déjà morte.
Il n'y a rien des autres qui vivent au-dehors,
À peine le reflet d'un reflet de soleil égaré
Qui suinte pitoyablement le long de ses murs toujours gris.
Sans le savoir,
Il est mort depuis longtemps.
Sans le vouloir,
Il se sent encore un peu vivant.
Mais juste un "encore--vivant" par hasard,
Un survivant qui s'est perdu pour ne pas la perdre,
Un mort-vivant qui a dû tuer un voleur de vivant,
Pour n'avoir pas pu vivre hors des grands yeux verts
Sans lesquels il ne savait que vouloir mourir.
Il avait tué pour elle,
Pour ne pas qu'elle se trompe d'amour,
Il avait tué pour lui-même,
Pour ne pas qu'on lui vole aussi son précieux souvenir.
Il avait tué pour eux deux,
Pour essayer de la retrouver chaque jour,
Même dans ce rêve assassin
Qui va le tuer à petit feu.
Il avait simplement tué un tueur de rêve,
Qui s'était trompé d'amour et de souvenir.
Il avait simplement oublié
Que l'on ne peut pas tuer
Comme ça,
Pour soi,
Même au nom de l'amour.
- Arteaga.