La Manche


Pas des bêtes ? Pas des bêtes ! Pas de bêtes, et pourtant !
Ce matin l’eau est froide, si froide,
Qu’on y meurt, ce matin.
Pas des bêtes, et pourtant !

Le canot dégonflé
Va couler ce matin.
Une vague l’a brisé, ce matin.
Un corps flotte encore, dans la Manche,
Un jeune homme, un enfant.
Pas des bêtes, et pourtant !

Londres n’est pas si loin, pas si loin.
Trop près l’eau glacée
Qui t’entoure et te tue,
Sous les yeux
D’un cargo qui te frôle.
Pas des bêtes, et pourtant !

Un migrant, pas adulte, pas enfant,
Simplement un migrant.
Pas humain !
Aujourd’hui ce n’est rien, ce n’est rien qu’un migrant !
Pas des bêtes, et pourtant !

Alors c’est quoi ?
C’est qui ?
Pourquoi ?
Un homme ?
Non, simplement un migrant.
Où ça ?
Dans la Manche ?
C’est trop loin,
Pas le temps,
Pour simplement, un migrant.

Alors je t’envoie la photo du visage, la photo d’un migrant.
On dirait ton visage, ou le mien.
Il est déjà parti dans le fond de la mer
Personne ne se rappelle de lui, de cet homme épuisé,
Qui nageait, qui nageait sans répit,
Plein de rêves puis sans espoir,
Puis sans histoire,
Puis sans vie.

Simplement.
Pas des bêtes, et pourtant !
Simplement, dans la Manche, cette nuit, des migrants.

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Merci
Pierre-Marie



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