Mon autre cœur

Pour d'autres temps,
Sous d'autres cieux,
Ruant des ailes tendues sur d'autres vents,
Soufflant des notes d'accueil
Au hasard d'un chemin perdu à la croisée de toutes les destinées.

Pour d'autres valeurs,
Dans d'autres passés,
Cachés sous les ruines de bien d'autres civilisations,
Ramant des mains vers d'autres rives
Sur des vagues de colères qui portent les voiles levées vers d'autres océans.

Pour d'autres amours
Cousus sur un patrimoine de pierres moulues,
Restant aux murs de l'autre cité fantastique,
Égarée parmi la poussière secouée en vrac
Sous le tonnerre bavard des orages oubliés
Par un silence pendu aux geôles dans d'autres ténèbres.

Pour d'autres plaisirs
Gagnés à force des bras et à l'arrachée des dents,
Décorés de galons d'un culte respectueux
Et d'une culture qui provoque des fantasmes délirants,
Motivant ainsi la conquête pour d’autres plus belles hérésies.

Pour d'autres raisons,
Autres que celles apprises dans les différentes salles de mon école démolie.
La leçon des chiffres y est toujours,
Comptant les plaies lourdes rubis sur ongle
Et estimant le coût des richesses de mon autre guérison,
Les tournures crochues des lettres y sont aussi gravées,
Décrivant un paysage muet et désolant,
Hérité du parcours fascinant de mon errance sans voie,
Autrefois, entre les lignes des pages de mes autres lectures.

Pour d'autres mœurs
Importées de l'autre hameau dépaysé,
Vendues dans les coulisses du souk
A l'insu de mon cadavre client
Marchandant les meubles de mon propre foyer,
Payant par la dépouille de mon existence
L’agonie de mes poches vidées de rêves dans le pays inconnu de mes autres misères.

Pour d'autres spectacles
Conçus de figurants furtifs,
De cabotins débordés dans une arène engloutie dans le cri de mon autre douleur,
Recueillant le fruit propre avec des mains corrompues,
Lacérant des griffes les branches d’un arbre nu
Planté dans le coin doux de mon autre vie,
Couvé de tendresse allègre dans le lieu le plus prestigieux au fond de mon autre cœur.

Kader.