C'est moi, la vieille chaise abandonnée
Je le vois bien, vous êtes bien étonnés
Après tant de nombreuses années
J'ai tellement de choses à raconter
J'en ai beaucoup aussi à pleurer
Je vivais dans un de ces nombreux rangs
Situé dans la région du Bas Saint-Laurent
Entouré de magnifiques montagnes
Dans une simple maison de campagne
Non pas luxueuse, mais combien accueillante
J'y menais vraiment une vie plaisante
Et, je voyais souvent la vie en rose
Pour autant, ce n'était jamais morose
Même périmée, je me trouvais élégante
Car, déjà presque centenaire
J'avais tout encore pour plaire
Comme j'étais ravie dans cette maison
D'accueillir les visiteurs les bras grands ouverts
C'était magique comme une douce chanson
Je les berçais maternellement sans modération
Et, vous pouvez me croire, Ã la ronde
J'en ai vu défiler du bien beau monde
J'ai entendu toutes sortes de conversations
Des plus délirantes à celles teintées de compassion
J'étais tellement heureuse, c'était ma maison
Sise, juste à côté du vétéran poêle à bois
Qui me tenait compagnie comme un ami d'autrefois
Mais, un jour, sans crier gare, tout a basculé
On a vendu à la vitesse de l'éclair, la propriété
Je me retrouvais en larmes et bien esseulée
Le coeur en mille miettes, anéantie de chagrin
Je me retrouvais vraiment en crise existentielle
Je me demandais si cette situation était bien réelle
Ainsi, j'imaginais le commencement de mon déclin
J'étais désemparée et dans tous mes émois
Et, j'ignorais ce qu'ils allaient faire de moi
Me vendre à un prix ridicule au plus offrant
Juste pour dire qu'on en retire un peu d'argent
Qu'en penseraient tous ces fiers descendants
Avec qui j'ai vécu tant de moments enrichissants
Me jeter sans aucun remords dans un tas de rebuts
Oublier mon titre antique, comme ni vu ni connu
Finir mes jours dans un désuet hangar des alentours
Me remplacer par une chaise anodine, au goût du jour
Qu'est-ce que j'ai donc fait pour mériter un tel sort
Dois-je déjà me préparer à ma fin, à ma mort
Si on ne veut plus me garder et me protéger
Laissez-moi au moins une chance de vieillir en beauté
Car, vous savez, je suis une adorable antiquité
Qui demande un brin de compassion bien méritée
Bien des personnes apprécieraient mon ancienneté
Je pourrais bien vivre avec d'autres célébrités
Qui ont su si bien traverser le temps et les années
Dans une demeure centenaire, je pourrais être invitée
Dans la vie, il est toujours permis de rêver
Je crois qu'un jour, mon souhait deviendra réalité
C'est avec bonheur que ma vie, je poursuivrai
Faites-moi un cadeau, une faveur, venez me chercher
Offrez-moi en toute modestie votre hospitalité
Découvrez ce qu'est ma vraie personnalité
Je perpétuerai mon rôle avec une immense dignité
Voilà ma promesse, jamais je ne vous décevrai
Et, je ne serai plus jamais la vieille chaise abandonnée.
martimer (décembre 2024)