Tu es parti bien trop tôt...
Tonin
Que j’aime quand, la nuit, nous buvons le doux vin
Qu’un brave vigneron a produit sans faiblir.
Qui peut donc, instamment, ici nous établir
Qu’il en faut vraiment peu pour devenir chauvin ?
Bruno
Tu l’as dit sans détour ; le vin est la potion
Qui donne à l’être humain ses lettres de noblesse ;
Et chacun doit savoir que la sotte faiblesse
Provient d’un dur sevrage imposé sans notion.
Tonin
Mais toi preux Bourguignon peux-tu nous enseigner
Comment garder la tête en posture avenante
Lorsque le vieux Pasteur de leçon apprenante
Recommande aux brebis de mieux se renseigner ?
Bruno
Tu sais que je ne puis disserter sans canon,
Alors fais-moi passer ce bon jus de la treille!
La Bourgogne a l’honneur d’être experte en bouteille
Et se veut très retorse en cabochard ânon !
Tonin
Faisons comme il te plaît, buvons ton doux nectar !
Pour cela il te faut nous offrir le liquide,
Sans chiner sur le cru qu’on espère sapide.
Sans cela nous dirons : « tu n’es qu’un racontar ! »
Bruno
Mais toi que fais-tu donc pour vanter ton pays
Pour montrer que ton vin mérite récompense ?
Faut-il que je me lance eu coûteuse dépense
Pour découvrir ici ce que vaut le Quercy ?
Tonin
Allons sans plus tarder écouter le grelot
Qui sonne au cou du bouc avec grandiloquence !
Le troupeau de brebis connait bien la séquence
Quand il voit le berger transporter son ballot.
Bruno
Il est temps, en effet, de quitter ta maison
Pour aller d’un bon pas regagner la montagne.
Le berger téméraire aime qu’on l’accompagne
Pour aller entamer l’estivale saison.
Tonin
Je te laisse finir le sapide flacon
Et te dis à bientôt pour une autre séance.
Je saurai distinguer la fatale échéance :
Ce sera quand viendra le tout premier flocon.