Le temps s’est égrené sans que je ne m’en rende vraiment compte. Une vie passe si vite. Tu vois, je suis déjà à l’heure où l’on m’appelle mamie. Toi, on ne t’a pas laissé cette chance. Depuis qu’on nous a arrachés de tes bras, il m’est difficile de t’imaginer, de te parler et de me souvenir de ta voix. J’entends encore celle de ma maîtresse d’école, tremblante, me murmurer, les larmes aux yeux, « c’est ta maman, elle est très malade ». Elle n’avait pas osé me dire que tu n’étais plus de ce monde, que plus rien ne serait pareil.
J’ai tant de choses à te dire maman, que je ne sais pas, par où commencer. Je n’étais qu’une petite fille de 13ans à peine, tes deux aînées, pas beaucoup plus, et puis, les quatre petits derniers qui n’avaient pas toutes les cartes en main pour comprendre et surmonter ton absence. Ils t’ont cherché, réclamé, pleuré longtemps. Pour toute consolation, nous n’avions que notre amour à leur donner.
Puis un jour, mon existence a suivi le chemin de tout le monde, le chemin des grands. Lorsque le soleil est passé sur mes larmes, un joli arc-en-ciel s’est dessiné. Mes enfants sont arrivés et j’ai reproduis les gestes avec maladresse, que toi tu faisais avec tant d’amour et de souplesse. Quatre petits-enfants sont venus colorer ma vie, évitant le chavirage de ma barque dans les flots violents de ma vie. Je me croyais enfin sauvée.
Bientôt Noël, c’était aussi des bons moments chargés d’émerveillements. Même s’il n’y avait pas les plus beaux jouets dans nos souliers, on s’en contentait,
Je n’aurai pas assez de place sur ma feuille pour te raconter tout ce que je veux te dire, parler de tout ce qu’on n’a pas vécu ensemble.
Mais toi, maman es-tu bien là -haut ? Est-ce vraiment si immaculé que l’on dit sur terre ? Fait-il bon vivre dans ce paradis blanc ? M’attends-tu ? Est-ce que je te manque ? As-tu retrouvé tes enfants partis trop tôt aussi, ainsi que papa ? Toutes ces questions sans réponse, le resteront ainsi, jusqu’au jour où moi aussi, je partirai vous rejoindre.
Je veux que tu saches, qu’ici, on t’aime encore plus qu’avant, ton absence s’est toujours fait ressentir violemment depuis ce triste jour du 30 avril 1966.
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«La poésie est cette musique que tout homme porte en soi.»