Moi le Crayon et Toi la Feuille




je scrute les parages
avec espoir de voir quelqu'un;
hélas! personne ne passe;
la bouche grasse et noircie par le vin,
j'attends que s'écrive mon destin;

toi, tu n'es que là
qu'à quelques pas de moi;
toujours sage et posée,
tu restes passivement patiente
pendant que moi,
je demeure mordillé par l'émoi;

tranquille comme ton image
qui attire la convoitise des sages,
tu te tiens très avenante
pendant que moi
je demeure cassé par l'effroi;

la peur de l'inutilité traverse mon corps
des pieds jusqu'à la mine,
sans ton visage et ton accord,
mon dessein ne se termine;

grise est ma tête à force de te voir
sans même pouvoir t'épouser;
comment pourrais-je être d'usage
si nul ne me fait glisser sur ta page;

que l'immortalité naisse
à l'union de nos existences,
car ta chair est fertile
et il suffit que l'on sème;
que mon parcours se transcrive
sur ton écorce blanche,
qu'un poète scelle nos vies,
qu'il s'amuse et rassemble nos envies;

seulement pour le moment,
il pleure et se penche
vers tes formes plates
comme une planche,
alors que moi je t'aime,
alors que moi je flanche;

humeur aigrie
d'un scripteur en deuil
qui écrit en gris
que les chrysanthèmes
sont les seules fleurs
qu'il ceuille





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