Elle Ă©tait blanche, inerte, attendant patiemment
Qu’il se pose sur elle et la chatouille un brin…
Car c’était bien son tour, inévitablement.
Il glisserait sur elle, caresserait le grain
De vélin qui la couvre. Hésiterait d’abord
Avant de lui confier ses jolis mots d’amour,
Ses rêves insensés, puis prendrait son essor,
Laissant courir son ombre aux reflets d’abat-jour.
Mais peut-être sa haine est-elle la plus forte…
Qu’adviendrait-il alors si, s’épanchant vers elle,
Il hurlait ses rancoeurs, pleurait ses amours mortes ?
Elle n’attend que lui, dans son rôle fidèle…
Elle acceptera tout. Les jurons, les insultes.
Elle s’imprégnera, s’il faut, des amertumes.
Car le poète est roi, qu’il soit triste ou exulte.
Oui ! La feuille attendra, toujours, son porte-plume.