Les premiers moments de mon existence,
Je me suis trouvée très belle, je pense.
Mais comme je n'étais pas agressive,
Ils m'ont trempée dans une eau de lessive!

Puis, ils m'ont poussée avec un bâton,
Ils couraient, riaient et montaient le ton.
Tout en jouant, ils me jetaient à terre,
Puis ils m'ont piétinée et salie de terre!

Comment leur faire comprendre d'arrêter ?
J'étais si propre, et me voilà souillée!
Dès que de leurs mains ils m'ont relevée,
C'était encor pour me faire pleurer.

Mes larmes coulaient en très grosses gouttes,
J'aurais préféré qu'ils me perdent en route.
Mais voilà, je dois subir leurs caprices,
Tous ces garçons ont un coeur fait d'épices!

Ils sont pressés de me laisser tomber,
Ce qui explique leur brutalité.
En sortant, j'ai aperçu une amie,
Sous la gouttière, allongée dans la nuit.

Suis-je donc destinée à l'extérieur,
Dès que je ne sers plus à l'intérieur ?
C'est alors qu'on me pince les côtés,
Et qu'on m'étend près d'un fil, pour sécher.

J'ai encor tous les plis de leurs torsions,
Et déjà on m'enlève des lampions.
On me dépose sur le premier seuil,
Où de ma propreté je fais le deuil.

A nouveau, ils me marchent tous dessus,
M'étirant, me fripant, je me sens nue.
Ils me déforment et je ride avant l'âge,
D'être née serpillière, quel dommage!