LA FOLLE
Et la voici la folle à ne plus savoir bien
De quelle époque elle débarque
Et la voici au chant du coq triomphant
A se conter d'étranges fables
Aux chemins creux entre les brins
Avec des mouvements de mains
Comme quelqu'un qui jette au loin
L'or volé aux ruches du diable
Et la voici la folle à ne plus savoir quoi
Qui puise et puise à plein effroi
Et puise et jette avec entrain
Orpaillant comme d'expérience
Dans les vilenies du destin
Jusqu'à vouloir réduire à rien
Cette vie de chienne et d'esclave
Où l'amour fait mal son chemin
Et la voici la folle à ne plus savoir croire
Araignée dans sa coconnade
L'orbite vide la joue creuse
A déambuler prestement
Vers le plus bas du pays plat
Là -bas où la terre se projette
Dans les oyats et les courants
Près des pauvres maisons des pauvres
Comme des barque de déments
Et la voici la folle à ne plus penser bien
Qui se surprend et se reprend
Et s'imagine et se dépense
Jusqu'Ã escalader la dune
Pour courir où le marais lève
Sa chanson sournoise de bave
Au crève-cœur du temps mesquin
D'un soleil morne éclaboussant
Dans le jaunâtre et le rougeâtre
L'engelure bleue du matin
Et la voici la folle à se défigurer
A ne plus se vouloir femme
Et la voici toute béante et résignée
Où le marais pompe la mer
A se ruer dans le flot gris
Qui s'accorde aux fils de sa tempe
Et la voici qui portait beau
Mais en des temps immémoriaux
A se glisser à se couler
Dans la longue bave des eaux.
Et la voici la folle à se faillir pour se déperdre
A s'esquiver à se déprendre de la vie
Pour se purifier tout de go
Pour se laver ventre et fardeau
Dans la friandise du flot
Pour que ce soir la lune haut
Porte sa mort comme un cadeau
Comme une grimace de vide
A qui n'a pas le rôle beau
Et la voici la folle sous le flot
A se surprendre d'être seule
D'être elle-même ventre et cerveau
Dans le fluide de ce tombeau
Puisqu'elle aura rejoint l'esprit
D'où tout vient et où tout finit
Même la vie qui point commence.
smromens