Grand-mère, le calendrier n'y est pour rien:
tu sais , moi les fêtes du calendrier...
Mais pourquoi étais-tu si près de moi cette nuit?
Je veillais, inquiète, je guettais le retour de mes fils que tu n'as pas connus...
Je veillais comme toutes les mères du monde veillent,
comme tu veillais toi-même si souvent
sur tes enfants, sur ton homme, sur ta maison, sur ta terre, sur ton jardin...
Comme tu as veillé cette terrible nuit de 34!
Comme tu as veillé et soutenu le souffle précaire de ton petit garçon de six ans,
en prières ferventes, en larmes dissimulées, en espoir insensé
jusqu'au petit matin quand il s'en est allé.
Ta douleur - on me l'a racontée - a résonné longtemps dans les prés, dans les champs, sur cette colline où tu vivais,
où ta raison vacillait...
Tu étais douce et bonne, vaillante, courageuse.
Je t'aperçois sur le chemin, sur cette colline où tu menais si rude vie.
Sans une plainte, sans jamais penser à toi, tu pourvoyais...
J'aimais quand tu prenais ma petite main
et que tu me chantais d'une voix si fragile
des airs d'autrefois sur lesquels tu dansais, jeune fille.
Et les berceuses chevrotées, et ces refrains de nostalgie
"A la claire fontaine" et l'oiselet qui chante pour la mie au-delà des montagnes.
J'aimais quand tu me racontais la petite fille que tu étais,
sérieuse et grave, rieuse , espliègle:
là c'est pour moi un grand soleil.
Et aussi ta robe-scandale raccourcie pour bien montrer la cheville
et ton chapeau aux larges bords alourdis de cerises et de fleurs.
Mais c'est seulement quand tu es partie que j'ai compris
que tu étais celle qui avait toujours été là ,
patiente et fidèle, si aimante, si présente.
Quand grand-père m'a dit
comme je le consolais si maladroitement,
me regardant, des larmes au coeur des yeux:
" tu sais, quand on perd sa Compagne..."
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Jamais je n'irai
Aussi loin que me conduit
Le chemin d'amour
(haïku de Hyacinthe Vulliez-"la joie d'être"-Ed "les Amis de Crespiat")