J’ai vu des mains
J’ai vu parfois des mains qui se cachaient
Comme des oiseaux blessés,
Aux doigts meurtris, qui s’en allaient
Tristement enlacés.
J’ai vu des mains joyeuses
Caresser des peaux blanches,
Frêles et généreuses,
Se perdre sur des hanches.
J’ai vu des mains qui n’attendent plus
Se poser comme feuille morte,
Dans les allées perdues
Que le vent emporte.
J’ai vu des mains qui se perdaient
D’une douceur orpheline,
Caresser des visages tristes et muets
Quand la douleur assassine.
J’ai vu des mains s’éteindre,
Prisonnières d’une autre,
Et ne plus rien attendre
Quand la mort vient et se vautre.
J’ai vu des mains de pierre
Froides comme le marbre blanc,
Jointes en prière,
Murmurer au firmament.
J’ai vu des mains aveugles
Au soleil insolent,
Comme des oiseaux qui volent
Cherchant le front d’un enfant.
J’ai vu des mains si généreuses
Que le sang les a inondées,
Et les tombes qui se creusent
Ne pourront jamais pardonner.
J’ai vu des mains si pures
Comme des parfums imaginaires,
Attendrir des blessures
Qui ne voulaient se taire.
J’ai vu des mains crier si fort
Que le monde est devenu sourd,
Sortir d’étranges décors
De noir velours.
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Ne méprisez la sensibilité de personne. La sensibilité de chacun, c'est son génie. ( Ch. Baudelaire )