Petites questions intimes
On se leurre toujours dans son for intérieur,
Dans l’orgueil infini où trône l’âme fière,
Connaître bien les gens, de la vie les labeurs,
On pense tout savoir du goût de la bière…
On croit connaître tout, de la vie, de ses chaînes,
Le corps de l’être aimé, ses forces, ses écueils,
Et l’on pense que son monde- forêt n’est qu’un chêne
Racines et branches nues devant vous, l’écureuil.
Mais à chaque seconde où je pense à cette âme
Explose un univers dont chaque particule,
De sa petite voix à mes oreilles clame
Des millions de questions dont aucune ridicule…
« Penche t- elle la tête de droite ou de gauche
Quand elle brosse au matin ses cheveux tout de soie ?
Dort- elle dans la nuit où la Lune s’ébauche
Comme bougie- veilleuse ou bien comme un oubli de soi ?
Met- elle sa main derrière pour souffler la bougie ?
Que fait- elle de ses mains quand elles sont dans ses poches ?
Cache t- elle son visage quand la douleur agit ?
Souffle t- elle dans la brume lorsque l’hiver approche ?
Sucre t- elle son thé ? Aime t- elle le rose ?
Sur quelle couverture ferme t- elle ses livres ?
Le devant ? Le derrière ? Où donc ses yeux se posent
Dans ce dernier regard aux vies qu’elle vient d’y vivre ?
Comme elle cueille ses fleurs ? Froisse t- elle ses brouillons ?
Quel Å“il ferme t- elle pour prendre une photo ?
Lance t- elle ses regards en haut, vers les avions
Dessinant dans le ciel de leurs fumées- pinceaux ?
Touche t- elle son miroir ? Joue t- elle avec ses clés ?
Tient- elle quand elle écrit, la plume dans sa bouche ?
A genoux ou penchée, pour lacer ses souliers ?
Comment rature t- elle sur ses mots les retouches ?
Ferme t- elle les yeux pour vivre en ses musiques ?
Embrasse t- elle parfois son ami le portable ?
Se perd t- elle au fond des tasses, mélancolique ?
Et son bleu préféré ? Et l’orange des érables ?
Comment détache t- elle son collier le soir ?
Sait- elle bien siffler ? S’assoit- elle en tailleur ?
Garde t- elle les yeux ouverts dans le noir ?
Son miel préféré ? Ses rêves d’un ailleurs ?
Combien sait- elle faire de sortes de nœuds ?
Comment toucherait- elle l’écorce d’un arbre ?
Vers où regarde t- elle quand elle fait un vœu ?
Vers le ciel ou la terre ? Est- elle feuille ou marbre ?
Que fait- elle de ses mains quand elle pense à moi ?
Joue t- elle avec l’enveloppe juste avant de l’ouvrir ?
Aime t- elle ? Cache t- elle avec soin ses émois ?
Se retient- elle parfois en venant, de courir ? »
Et ce n’est jusque là que le prime abordage,
L’écume d’un simple soir écoulé dans son rêve,
Le monde à sa mesure que mon cœur envisage
Avant qu’enfin ma bouche et mes mains ne l’enlèvent…
Juste quelques questions, qui se présentent, intimes
Et demandent à sa vie la réponse quotidienne,
De soigner en mon âme la solitude infirme
Par ces tous petits riens qui diraient qu’elle est mienne…
Oubliés les espoirs de grandeur et d’Eden !
Balayées les limites des amours- frontières !
Car je sais que ma vie se tiendra sous la laine
D’un pull à remonter comme infinie rivière…
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