Monsieur le Haut Commissaire au Plan
Je vous Ă©cris dans un grand Ă©lan
Pour vous signaler mon Ă©tonnement
Vous dire mon mécontentement
Concernant votre dernier document
Pour moi, c’est un pur boniment !
Votre approche est paraît-il scientifique
Et s’appuie sur des modèles économétriques
Mais elle soulève de sérieuses critiques
Qui ne sont pas seulement méthodologiques
Elle fait fi de la pauvreté et de la précarité
De l’analphabétisme, du chômage et des disparités
Ainsi, selon vos chiffres bien Ă©tranges
Je fais partie de cette frange
Qui est riche, qui a les moyens
Moi qui suis un simple citoyen
Je me retrouve au sommet
Avec des gens si bien nommés
Monsieur le Haut Commissaire
Si je vous crois, et je veux bien le faire !
Je suis devenu subitement millionnaire
Que dis-je ? Un nabab, un milliardaire !
Je ne le savais pas, je vous le jure !
Vous avez changé ma posture !
Bientôt célèbre, j’aurais réussi
Comme Bill Gates, Nadal et Messi
Les paparazzis me poursuivront
Les journaux me harcèleront
Je serai dans toutes les télés
Aussi célèbre qu’une star fêlée
Mon voisin qui vit au jour le jour
Vous lui avez joué un mauvais tour
Il se retrouve du jour au lendemain
Lui qui tendait toujours la main
Dans la classe moyenne de vos calculs
Celle des cols blancs et de leurs Ă©mules
Du coup il se sent très important
Se croyant l’élu, il est tout content
De simple homme Ă tout faire
Il se prend pour un homme d’affaires !
Commence Ă rĂŞver de villa et de voitures
De voyages, d’îles et d’aventures !
Car avec trois cents billets verts
On n’est pas, selon vos calculs experts
Une famille pauvre qui rame dur,
Pour atteindre un minimum qui rassure.
C’est certain : vos médianes et vos moyennes,
Renvoient Ă des envies lointaines
Ce que je sais et constate chaque jour
C’est qu’avec un tel revenu à faire peur
Un couple avec deux ou trois mĂ´mes
Ne peut mĂŞme pas avoir le minimum
Encore moins vivre décemment
Quand aux loisirs, y penser est dément
Alors de grâce refaites vos comptes !
Vos chiffres sont pour nous une honte
Car ils insinuent que mĂŞme un mendiant
Qui vit d’aumône et d’expédients
A sa place dans votre classe de nantis
Selon vous, tous les marocains sont bien lotis !
Je vous demande enfin de me dire
Si vous connaissez, mĂŞme par ouie dire,
Une famille –ménage selon vos termes –
Qui peut vivre tout un mois ferme,
Avec trois mille dirhams de revenu.
Chapeau, si quelqu’un y est parvenu !
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22 juin 2009
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Pouvoir, c'est vouloir