Viens plus près, doux renard, viens, flatte moi encore,
toi qui sais bien au fond que je ne vais chanter,
j'attends le bon moment pour t'offrir mon trésor
que tu me dises mieux ton envie de gagner.
As-tu vu sur mes plumes la douceur de la nuit
plus noire que l'ébène, dont je suis habillé,
vois-tu ma modestie, toi qui es si joli,
vois ma robe du soir, vois ma sobriété.
Si j'étais autre chose qu'un corbeau de hasard
je me prendrais peut-être pour un aigle royal,
un oiseau fabuleux, faisant un étendard
effrayant de pirate, au ciel de mon sérail.
Mon ami, hâte-toi, tends ta patte gourmande,
avant que les chasseurs ne terminent ton rêve,
j'ai vu il y a peu ton cousin en offrande
au cou d'une princesse, et le coeur m'en soulève.
Attrape ce morceau de fromage adoré,
il me plaît, doux renard, vois-tu, de partager
un peu de ton désir, au risque de choquer
les pauvres maladroits dont tu dois te méfier.
Prends soin de l'amitié, car le monde est cruel,
et ne te jette pas sur tout ce qui se mange,
éloigne toi des hommes, crois-moi, la vie est belle,
va raconter aux poules notre dialogue étrange.
©M. KISSINE
ISBN 978-2-35209-205-6
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