Bloc usé, un peu abîmé, marqué.
Pas par le temps, mais par mes stylos
au travers des feuilles vierges du dessous, du dehors.
Dois-je dire encore bloc de travail ?
Je m’en étonne chaque jour.
On peut dire bloc de textes aujourd’hui.
Même textes couchés sur bloc. En bloc.
Car si jadis entre matinée
et après-midi de travail à la boîte,
la microsieste de cinq minutes investissait tout mon esprit.
A sa manière.
Un abîme essentiel m’amenait largement pendant des heures
de la cuisine au lit, du lit à la télé.
Certes ces trajets-trajets fermaient mon horizon de rêve.
Puis les cinq minutes passées, je sautais du lit
et reprenais le boulot à l’heure.
Aujourd’hui plus de travail,
et mes demi-journées de sommeil ont l’allure d’instantanés.
Je retravaille sur mon bloc, recalcule des devis anciens.
Je marque les pages du dessous, du dedans.
Je m’en réveille crevé. Crevé ?
Pourtant je devrais être reposé.
Pour écrire je maintiens et je force mon stylo,
mais il retombe toujours dans les premiers sillons.
Insensiblement les microsiestes accumulent leurs tensions
et la catastrophe survient, le barrage se rompt.
Alors je me réveille haletant. Du bloc au frigo et du frigo au lit.
Dormir, écrire comme un disque de vinyle qui saute.
Avec un saphir trop usé.
Je pourrais en changer. Mais le puis-je ?
Et le saphir, lui, déjà , a tant remarqué et marqué mes rayures.
Tétrao - Photo âge de diamant, tourneboulée et photophiltrée