La rupture.
La rupture.
Je ne peux pas te quitter.
Non, pas encore.
Je t’en conjure, accorde-moi encore quelques instants…
Nous étions bien, tous les deux. Tu m’as accompagnée partout, tu ne m’as pas quittée d’une semelle, durant tous ces moments. Te souvient-il de la petite gare où nous étions blottis, attendant vainement que le temps ressurgisse ? Nous n’étions pas seuls , non, tu m’apaisais, me faisais rire, l’air, soudain, n’était plus chargé d’impatience, mais fluide, comme un matin de printemps.
Tu as chargé mes jours et mes nuits de tes phrases insensées, tu m’as murmuré des mondes. Oh comme je les ai aimées, tes fragrances d’histoire, de tes balbutiements à nos cris dans la nuit, lorsque ta vie grouillait de mystères et de débordements…Tu es mille et une vies, des poèmes aux polars, tu es Phèdre et Hamlet, et Rimbaud : comme un phare.
Tes incandescences, aussi.
Lorsque seul dans la nuit tu me disais tes balades, et que mes mains parcouraient tes aspérités abîmées de celui qui a vécu, et nos souffles partagés, inspirant des voyages.
Il me semble tout savoir de toi. Du début à la fin, j’ai aimé être tienne. Te découvrir, toute étonnée comme on voit l’océan, vagues lisses et miroir, et toujours ce grand vent. Me glisser en tes dunes, comprendre tes mille langues, et puis tous tes amis, personnages fantasques, ou soudain ce héros, dont on aime les frasques, qui devint malgré lui et mon frère et ma vie.
J’ai envie de rester, je t’en prie, garde moi. Nous pourrions retenter la lecture à deux voix.
Je recommencerai, comme une enfant si sage, impatiente mais sachant que le maître est adage, j’ouvrirai notre boîte, celle de tous les secrets, et prendrai un à un les bonbons et les pages.
Ne pars pas.
Je n’ai pas envie de continuer cette route, non, l’idée de te poser n’est que souffrance et doute. Imaginer te perdre, comme un soir qui descend, et la nuit qui enferme et ma vie et mon sang…
Reste ouvert.
Attends-moi.
Laisse-moi te sentir, respirer l’encre fraîche, et aussi ces mystères, toutes ces mains qui avant moi t’étaient tendres et si chères ; je les aime bien sûr, nous t’avons partagé, un trésor d’initiées, et tu as pour chacune exhalé des merveilles.
Je lirai mon très cher chaque soir une page. Je ne peux pas finir. Pas encore. Je serai ta lectrice et ta femme de vent, et toi mon bel ouvrage, je te nomme un amant.
…
Et vous, arrivez-vous Ă terminer un livre ?
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Lou, aux nuits rossignol...