LE QUINTIL
Ce terme provient du latin quintus qui signifie "cinquième". Ce système de versification date de 1749, où on le trouve dans "Les Essais sur l'Histoire des Belles-Lettres" de Juvenel de Carlencas, pour désigner une strophe iso ou hétérométrique* de cinq vers. L'usage de ce type strophique est ancien, puisqu'on le rencontre couramment à l'époque médiévale (il est aussi appelé cinquain).
Le "quintil" ne comporte que deux rimes, dont l'une est forcément redoublée. Leur disposition permet de définir deux catégories de quintils :
- Le quintil à formule simple, c'est-à -dire close uniquement au dernier vers, comme c'est le cas pour la combinaison : A B A A B. Intérêt de cette structure : la rime A centrale est entourée de deux éléments semblables A B : A B-A-A-B. De plus, elle peut être analysée également comme vers+quatrain à rimes embrassées : A-B-A-A-B, très fréquente, en particulier chez les romantiques. En voici un exemple, extrait de "La Sultane favorite" de Victor Hugo :
Repose-toi, jeune maîtresse. (A)
Fais grâce au troupeau qui me suit. (B)
Je te fais sultane et princesse : (A)
Laisse en paix les compagnes, cesse (A)
D'implorer leur mort chaque nuit. (B)
NOTE : La combinaison A A B A B, moins riche structurellement (vers + quatrain à rimes croisées : A - ABAB), est moins répandue. On la trouve, par exemple, dans un poème de Pontus de Tyard, "Chant non mesuré" :
Que me sert la connaissance (A)
D'amour et de sa puissance (A)
Et du mal qu'il fait sentir : (B)
Si je n'ai la résistance, (A)
Pour m'en savoir garantir ? (B)
- On rencontre également, mais de manière plus rare, la formule : A B B B A. D'après H. Morier, les Rhétoriqueurs donnaient le nom de "chinquain" à des quintils de formule A A B B A.
- Le quintil à formule prolongée, lui, est une combinaison complète et close au bout de quatre vers, mais où s'ajoute une reprise de rime finale. Il s'agit donc de quintils qui se fondent sur les deux dispositions fondamentales : rimes croisées, rimes embrassées.
C''est ainsi que l'on pourra voir alternance parfaite si à un système à rimes croisées s'ajoute une rime qui reprend la première, en A B A B A ; ce qui évite tout groupement de rimes plates :
Nous renoncerons au poème,
Le seul rythme parfait qui rôde
Parmi tant d'ombres incertaines
Et celles qu'on porte aux autres
Des hauteurs de l'isolement.
Patrice de La Tour du Pin.
C'est la forme la plus courante, adoptée également par Baudelaire pour la plupart de ses poèmes en quintils, et par Apollinaire pour la "Chanson du Mal-Aimé". La formule A B A B B est beaucoup moins employée.
Si, à des rimes embrassées, s'en ajoute une qui redouble la seconde, on a un système A B B A B (avec répétition de AB autour de B : AB - B - AB), tel qu'on le trouve dans "Le Poison", de Baudelaire, ou dans les "Strophes" pour se souvenir d'Aragon :
Vous n'avez réclamé la gloire ni les larmes
Ni l'orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servi Simplement de vos armes
La mort n'éblouit pas les yeux des partisans.
In : "Le Roman Inachevé"
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Citation :
La poésie se nourrit aux sources de la prose et s'embellit au concerto des mots. (André LAUGIER)