L'ELLIPSE
L'ellipse (féminin du mot grec "en" qui signifie "dans, et leipein, qui veut dire "laisser là , négliger, d'où "elleipsis (manque, omission d'un mot), est une figure de construction qui consiste à supprimer des mots qui seraient nécessaires à une construction complète, mais dont l'absence n'empêche pas la clarté de sens. Un des exemples les plus connus de l'ellipse est celui de ce vers d'Andromaque :
Je t'aimais inconstant, qu'aurais-je fait fidèle ?
qui concentre une phrase beaucoup plus développée, mais beaucoup moins puissante : "Je t'aimais alors que tu étais inconstant ; combien t'aurais-je aimé si tu avais été fidèle ?"
Le sens du contexte lève l'ambiguïté possible de l'adjectif épicène "fidèle" qui, grammaticalement, peut se rapporter aussi bien à la deuxième personne sous-entendue qu'à la première personne. Mais l'ellipse est une figure de construction très fréquente également dans la poésie moderne : ainsi dans ces deux vers d'Yves Bonnefoy :
Je nommerai désert ce château que tu fus,
Nuit cette voix, absence ton visage.
ou encore dans l'expression de Saint-John Perse, "à perte d'hommes", pour dire "des hommes en foule à perte de vue".
La phrase nominale, très fréquente dans la poésie moderne, est elle-même fondée sur l'ellipse du verbe. Voici encore un exemple d'ellipse de Jean Racine, extrait d'une scène basée sur un reproche d'Hermione à Pyrrhus :
Quoi ! sans que ni serment, ni devoir vous retienne,
Rechercher une Grecque, amant d'une Troyenne ?
Le paradoxe de l'ellipse est qu'en supprimant des éléments du "signifiant" elle peut mettre en valeur le "signifié" qui lui est associé.
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Citation :
La poésie se nourrit aux sources de la prose et s'embellit au concerto des mots. (André LAUGIER)