PARAGOGE
Il s'agit d'un mot féminin, tiré d'un mot grec qui signifie "addition". Ce terme désigne en fait l'ajout d'une lettre ou d'une syllabe à la fin d'un mot.
Cette appellation renvoie, en poésie, à un procédé pratique pour ceux qui s'accordent des facilités leur permettant de trouver une syllabe manquante dans le mètre du vers. On dit aussi qu'il s'agit
d'un métaplasme. Autrement dit : l'action de "modeler autrement" (du grec "metaplassein") signifiant littéralement "transformer".
Cette licence poétique reconnue permet d'écrire, par exemple : "avecque" en lieu et place de "avec", afin de gagner uns syllabe dans le décompte métrique.
De même, on peut écrire "jusques" et "grâces à " en ajoutant un "S" à la fin de ces mots. Les "licences poétiques" sont des autorisations que se sont données les poètes de ne pas respecter, dans certains cas, les règles habituelles de l'orthographe et de la grammaire.
On peut penser que l'interdiction de faire rimer un "pluriel" avec un "singulier" s'était étendue à l'écriture qui, paradoxe à nos oreilles, semblait plus importante que la sonorité à l'audition (mais le "s" du pluriel s'était entendu jadis dans la prononciation). On n'aurait pas fait rimer, par exemple , "je vois" et "moi", même si le "S" ne s'entendait pas. On aurait donc supprimé ce "S" dans l'écriture pour tourner la difficulté. La licence, ici, était au service d'une règle plus importante , celle de la rime.
Exemple de retrait d'une lettre dans ce distique de RACINE, extrait d'ANDROMAQUE :
Quelle horreur me saisit ? Grâce au Ciel, j'entrevoi...
Dieux ! quels ruisseaux de sang coulent autour de moi !
Autre exemple plus récent de LAMARTINE, dans "LA CHUTE D'UN ANGE" :
...
Jeune étranger, dit-il, approchez-vous de moi !
Depuis des jours bien longs, de bien loin je vous voi.
Dans ces deux exemples de "métaplasme", les "S" de "j'entrevoi" et de "je vous voi" ont été volontairement supprimés grâce à la "licence poétique".
Exemple de paragoge : "encore" avec un "S" Ã la fin :
- Qu'encores aujourd'hui éteinte sous la lame
Me réchauffe, en pensant qu'elle fut sa clarté.
RACINE
Bien que ces pratiques soient peu fréquentes de nos jours, certains poètes les utilisent "encor". C'est parfaitement accepté, et elles ne peuvent être considérées comme des fautes de prosodie ou d'orthographe.
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Citation :
La poésie se nourrit aux sources de la prose et s'embellit au concerto des mots. (André LAUGIER)