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     Périphrase (Règles de prosodie pour les classiques)
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Expéditeur Conversation
ARobert13
Envoyé le :  15/2/2022 12:54
Plume de platine
Inscrit le: 17/11/2021
De: Marseille
Périphrase (Règles de prosodie pour les classiques)

LA PÉRIPHRASE

On appelle périphrase une désignation par circonlocution. Ce mot provient du grec "peri", qui signifie "autour" et "phrasis", qui veut dire "expression". Elle consiste à donner, au lieu du nom seul, un syntagme descriptif, parfois imagé, parfois sous forme d'énigme.

Exemples : "L'oiseau de Jupiter" remplacera "aigle". La "colombe" devient "L'oiseau de Vénus".

Ainsi, les "Précieux" employaient force périphrases dans leurs conversations : "Les commodités de la conversation" pour "les fauteuils", ou encore "Le conseiller des grâces" pour le "miroir".

En poésie, la périphrase est souvent métaphorique.

Certaines périphrases de l'époque étaient si réussies qu'elles sont devenues des clichés ; ainsi les yeux transformés en "miroirs de l'âme". D'autres sont restés dans la langue courante : rire, c'est toujours "perdre son sérieux".

Les écrivains classiques combattaient la périphrase dans ses exagérations, mais ils savaient l'utiliser dans le style noble. Tout était question de mesure.

Quelques exemples célèbres :

- Il y a des endroits où il faut appeler Paris Paris, et d'autres où il faut l'appeler "capitale du royaume".

Blaise PASCAL (Pensées). 1670.

La périphrase n'est pas propre à la poésie, mais celle-ci l'utilise souvent. Ainsi cette périphrase de Dieu :

- Celui qui met un frein à la fureur des flots,
Sait aussi des méchants arrêter les complots.

Jean RACINE. (Athalie). 1691.

On pourrait multiplier les exemples tirés de poèmes fameux du XVIIIème siècle. Mais ce style fleurissait encore au XIXème siècle. Entre autres actions d'éclats vis-à-vis du vocabulaire, Victor HUGO se flatta d'en avoir fini avec la périphrase en ce quatrain suivant :

Réponse à un acte d'accusation.

- J'ai fait plus : j'ai brisé tous les carcans de fer
Qui liaient le mot peuple, et tiré de l'enfer
Tous les vieux mots damnés, légions sépulcrales ;
J'ai de la périphrase écrasé les spirales.
...

Victor HUGO (Les contemplations). 1856.

Certes. Mais la périphrase à la vie dure. Elle n'en disparut pas pour autant, et malgré ses affirmations on la trouve un peu de partout dans les poèmes de Victor HUGO.

Pères fouetteurs du siècle (Les Jésuites)

Victor HUGO (Les Châtiments) 1853)

L'aigle baissait la tête (La débâcle)

id.

Nain immonde (Napoléon III)

id.

Ces femmes qu'on envoie aux lointaines bastilles (Déportées).

id.

Il est difficile de distinguer la périphrase, l'image, la métaphore :


- Les fusils mangent à leur faim.,

employé par Alain BOSQUET dans "Sonnets pour une fin de siècle", peut être considéré comme une périphrase pour "les massacres" - mais le poète n'écrit pas en substituant la périphrase au mot plat : il pense, il sent, il voit, il écrit directement en "images" sans l'étape intermédiaire que nous rétablissons arbitrairement ici, mais dont nous n'avons pas besoin pour recevoir le poème.

Malgré sa mauvaise réputation, le poète ne peut se priver entièrement de cette figure de style. Ce serait écrire une poésie plate, sans images, insupportable au lecteur.

N'est-il pas agréable et charmant à l'oreille que cette évocation de Paul VALÉRY qui, pour exprimer le visage, écrit :

- Le doux masque

dans "La dormeuse. Charmes" en 1922.

Ou encore cette merveilleuse (métaphore) :

- Mes outils d'artisan (Les mots)

de Jean TARDIEU dans "Outils posés sur une table. Formerie." 1976.

Terminons par cette belle périphrase, que je vous laisse le choix de nommer encore image ou métaphore, de Claude ROY :

- Le sable fabuleux des mondes solitaires (Les constellations) 1970.


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Citation :

La poésie se nourrit aux sources de la prose et s'embellit au concerto des mots. (André LAUGIER)


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