L'ODE
L'Ode est à l'origine un poème "chanté". En Grec, ce mot signifie "chant". Elle était accompagnée d'instruments, à la différence de "l'élégie".
On retrouve deux modèles :
- "L'ode pindarique" (ou homérique), des noms de PINDARE et d'HOMÈRE, chantée par un chœur qui se déplaçait sur la scène en interprétant trois groupements de vers appelés "strophe", "antistrophe" et "épode".
- "L'ode anacréontique" (du poète ANACRON) était plus simple : elle était composée de strophes, toutes bâties sur la même structure.
"L'ode" a été théorisée en 1548 par Thomas SÉBILLET comme "poème divisé en strophes semblables par le nombre et la mesure des vers".
"L'ode pindarique" est composée de "triades" récurrentes, dont les trois éléments sont la "strophe", "l'antistrophe" sur le même schéma formel, puis "l'épode" de structure différente. C'est ainsi qu'André CHÉNIER a composé la dernière de son recueil d'Odes dont voici la première "triade" :
STROPHE PREMIÈRE
Ô mon esprit, au sein des cieux,
Loin de tes noirs chagrins une ardente allégresse
Te transporte au banquet des dieux,
Lorsque ta haine vengeresse,
Rallumée à l’aspect et du meurtre et du sang,
Ouvre de ton carquois l’inépuisable flanc.
De là vole aux méchants ta flèche redoutée,
D’un fiel vertueux humectée,
Qu’au défaut de la foudre, esclave du plus fort,
Sur tous ces pontifes du crime,
Par qui la France, aveugle et stupide victime,
Palpite et se débat contre une longue mort,
Lance ta fureur magnanime.
ANTISTROPHE PREMIÈRE
Tu crois, d’un éternel flambeau
Éclairant les forfaits d’une horde ennemie,
Défendre à la nuit du tombeau
D’ensevelir leur infamie.
Déjà tu penses voir, des bouts de l’univers,
Sur la foi de ma lyre, au nom de ces pervers,
Frémir l’horreur publique ; et d’honneur et de gloire
Fleurir ma tombe et ta mémoire ;
Comme autrefois tes Grecs accouraient à des jeux,
Quand l’amoureux fleuve d’Élide
Eut de traîtres punis vu triompher Alcide ;
Ou quand l’arc Pythien d’un reptile fougueux
Eut purgé les champs de Phocide.
ÉPODE PREMIÈRE
Vain espoir ! inutile soin !
Ramper est des humains l’ambition commune ;
C’est leur plaisir, c’est leur besoin.
Voir, fatigue leurs yeux ; juger, les importune ;
Ils laissent juger la fortune,
Qui fait juste celui qu’elle fait tout-puissant.
Ce n’est point la vertu, c’est la seule victoire
Qui donne et l’honneur et la gloire :
Teint du sang des vaincus tout glaive est innocent.
Exemple "d'Ode anacréontique" de RONSARD.
La forme est moins rigoureusement codifiée : de longueur variable, et elle est divisée en "strophes". Elle comporte cinq sizains hétérométriques, avec des vers de sept et de trois syllabes :
À UN AUBÉPIN
Bel aubépin, verdissant,
Fleurissant
Le long de ce beau rivage,
Tu es vêtu jusqu'au bas
Des longs bras
D'une lambruche sauvage.
Deux camps drillants de fourmis
Se sont mis
En garnison sous ta souche;
Et dans ton tronc mimangé,
Arrangé,
Les avettes ont leur couche.
Le gentil rossignolet
Nouvelet,
Avecque sa bien-aimée,
Pour ses amours alléger
Vient loger
Tous les ans en ta ramée.
Sur ta cime il fait son nid
Bien garni
De laine et de fine soie,
Où ses petits écloront,
Qui seront
De mes mains la douce proie.
Or vis, gentil aubépin,
Vis sans fin,
Vis sans que jamais tonnerre,
Ou la cognée, ou les vents,
Ou les temps
Te puissent ruer par terre.
----------------
Citation :
La poésie se nourrit aux sources de la prose et s'embellit au concerto des mots. (André LAUGIER)