PETIT LEXIQUE POÉTIQUE
LE CONTRE-REJET
Le "contre-rejet" est le procédé de décalage entre mètre et vers qui réalise l'inverse du "rejet". Autrement dit, un élément verbal bref, en fin d'hémistiche (contre-rejet interne) ou en fin de vers (contre-rejet externe), étroitement lié par la syntaxe à l'hémistiche ou au vers qui suit.
Des raisons stylistiques précises sont toujours à l'origine de cette mise en relief. Les deux derniers vers du poème de BAUDELAIRE intitulé "Le Flacon", présentent deux cas de contre-rejets à la suite l'un de l'autre (contre-rejet redoublé) :
- "Cher poisson préparé par les anges ! Liqueur
Qui me ronge, ô la vie // et la mort de mon cœur !"
Le premier vers se termine sur un "contre-rejet" externe de "Liqueur", et le second est marqué par un "contre-rejet" interne sur "ô la vie". Le décalage accentue l'effet d'alliances de termes en séparant les éléments par la limite métrique ("Liqueur" de "Qui me ronge", et "ô la vie", de "et la mort".)
Autre exemple de Jean RACINE :
- "Ne tardons plus, marchons. Et s'il faut que je meure,
Mourons, mon Cher Osmin,, comme un vizir et toi
Comme le favori d'un homme tel que moi."
"et toi", est le contre-rejet, Ã la fin du second vers.
Ce sont les poètes "Romantiques" qui ont le plus utilisé le "contre-rejet", avec le "rejet" et "l'enjambement,", en désarticulant systématiquement l'alexandrin. Victor HUGO fut l'un de ceux-là .
Le "contre-rejet" n'est pas réservé à l'alexandrin. On peut le trouver dans des vers de mesures différentes, comme dans cet exemple de Camille PELLETAN:
- "Pourtant en terre étrangère,
Le jeune et beau Dunois il
S'en va prier la bergère
De bénir son nid d'exil."
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Citation :
La poésie se nourrit aux sources de la prose et s'embellit au concerto des mots. (André LAUGIER)