Adieu ! je crois qu’en cette vie
Je ne te reverrai jamais.
Dieu passe, il t’appelle et m’oublie ;
En te perdant je sens que je t’aimais.
Pas de pleurs, pas de plainte vaine.
Je sais respecter l’avenir.
Vienne la voile qui t’emmène,
En souriant je la verrai partir.
Tu t’en vas pleine d’espérance,
Avec orgueil tu reviendras ;
Mais ceux qui vont souffrir de ton absence,
Tu ne les reconnaîtras pas.
Adieu ! tu vas faire un beau rĂŞve
Et t’enivrer d’un plaisir dangereux ;
Sur ton chemin l’étoile qui se lève
Longtemps encore Ă©blouira tes yeux.
Un jour tu sentiras peut-ĂŞtre
Le prix d’un cœur qui nous comprend,
Le bien qu’on trouve à le connaître,
Et ce qu’on souffre en le perdant.
Alfred de Musset, Poésies nouvelles, 1850 (poème écrit en 1839)
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